Les élèves avec une maladie chronique invalidante présentent, pour la plupart, des BEP (cf. fiche : BEP identification) qui nécessitent des aménagements de la scolarité et des adaptations pédagogiques afin de leur permettre d'apprendre au même titre que les autres. Lors de l’accueil et/ou du retour à l’école en milieu ordinaire des élèves concernés, il est nécessaire de prévoir et mettre en œuvre des pratiques susceptibles de répondre à leurs besoins. L'enjeu de la différenciation* dans le cas de l'accueil d'un élève malade consiste ainsi à proposer des modalités pédagogiques utiles aussi à d'autres élèves de la classe. 

C’est pourquoi il est important de savoir d’une part en quoi les démarches pédagogiques qui s'imposent pour un élève malade peuvent répondre aux besoins d’autres élèves et d’autre part quelles peuvent être les « pratiques à différencier » de façon spécifique pour les élèves malades. 

 

BEP fréquents des élèves malades et réponses à privilégier

Pour apprendre à l'école au même titre que ses camarades, un élève atteint de maladie chronique a, en général, particulièrement besoin d'apprendre dans un contexte de sécurité physique et psychique, de s’inscrire dans une continuité des apprentissages et de son parcours scolaire, de se sentir appartenir à la communauté scolaire, de rester élève, de (re)trouver motivation et sentiment de compétence, de construire une posture active, d'apprendre à son rythme, d’une aide pour accéder aux supports d’apprentissage.

Des principes pédagogiques sont à privilégier pour répondre à ces besoins (voir la fiche BEP : réponses). Ces principes peuvent être à l'origine de pratiques pédagogiques également adaptées à des élèves qui, pour des raisons autres que somatiques, nécessitent des modalités d'apprentissage spécifiques. Il peut s'agir d'élèves en difficulté scolaire ou ayant d'autres formes de troubles, mais aussi élèves issus de familles migrantes, lents ou décrocheurs ou au parcours scolaire chaotique par exemple les élèves issus de familles itinérantes. Il appartient aux enseignants de déterminer quels élèves peuvent bénéficier de ces modalités spécifiques.

Il est important de faire entrer dans le rituel de la classe l'idée de différenciation afin de ne pas stigmatiser les élèves à BEP et en particulier les élèves malades dont la différence est souvent connue, voire visible.

Cette fiche présente des pistes pédagogiques pour différencier tâches, consignes et évaluation. Une première fiche propose comment différencier les objectifs d’apprentissage et leur programmation (Voir la fiche : Différenciation pédagogique : objectifs d’apprentissage).

 

Proposer une variété de tâches et de consignes selon diverses modalités pédagogiques

 

Les tâches

Une fois les objectifs prioritaires fixés pour chaque séance et chaque séquence (pour un élève ou pour chaque groupe, ou pour l'ensemble du groupe classe), en lien explicite avec les programmes, il s'agit de proposer des tâches permettant d'atteindre potentiellement l'objectif visé.

 

Le choix des tâches 

On désigne ici par « tâche » une action à effectuer. Il faut la distinguer d'une activité, qui désigne un type d'actions qui peut être gratuite, sans obligation ni résultat précis à atteindre (Tu peux dessiner, faire du découpage, écouter de la musique, colorier librement, sans but précis...). À l'école, la plupart des activités sont des tâches confiées aux élèves (en général par les enseignants) afin qu'ils développent des savoirs et « savoir faire » pour atteindre un objectif d'apprentissage.

Il faut pour l'enseignant déterminer la nature de ces tâches, leur nombre, les modalités d'exécution (supports, temporalité, réalisation collective, individuelle, binôme, tutorat, aide humaine etc.), l'ordre de ces tâches. Autant d'aspects que l'on peut « différencier ».

Concernant la nature des tâches avec des élèves malades, il faut s'assurer que l'élève est en mesure de l'effectuer physiquement (peut-il découper, écrire, entourer, discriminer sur le plan visuel ?)

Des tâches ludiques, courtes, permettent de stimuler l'élève et ne pas l'épuiser. En fonction des jours de la semaine, des moments de la journée certaines tâche moins coûteuses que d'autres sur le plan cognitif sont à proposer. (Voir la fiche : Rythmes scolaires). Réduire l'écriture manuscrite est souvent conseillé (exercices à trous, etc.) La lisibilité et clarté de la mise en page des documents donnés à lire doivent faire l'objet d'un soin particulier, et l'apprentissage via l'oral doit être parfois privilégié pour alléger la fatigue.

Les modalités de la réalisation de la tâche : les activités de groupe sont à privilégier puisqu'elles permettent de distribuer les rôles et du coup d'alléger la tâche.

Cependant il est nécessaire pour les élèves fatigables mais aussi pour ceux qui sont envahis par l'anxiété, ou qui ont du mal à réguler et maîtriser leurs émotions de proposer régulièrement des temps de tâches individuelles assez courts, afin de permettre à ces élèves de reprendre contrôle sur soi, de se réfugier en eux-mêmes. Le principe consiste à varier les modalités pédagogiques, ce qui permet de donner du rythme aux temps d'apprentissage et de favoriser la concentration. Il faut veiller en outre à ne pas donner trop de place à des tâches où l'élève est sollicité sans cesse par le maître (questions, réponses...), écoute trop longue du cours.

 

Les consignes

Le choix des consignes ou de l'absence de consignes

On entend par « consignes », les indications qui permettent de savoir quelle tâche doit être effectuée (et parfois comment). Elles supposent généralement une verbalisation orale ou écrite, mais elles peuvent prendre différentes formes (pictogrammes, gestes...).

Un « énoncé » donne les éléments permettant de réaliser la consigne pour effectuer la tâche (énoncé d'un problème en mathématique).

On appelle « contrainte » dans la démarche artistique, le cadre que l'artiste se donne à lui même ou qu'on lui donne éventuellement pour réaliser son projet artistique ; en arts visuels, il peut s'agir, d'un type de matériau, une couleur, un format. En écriture créative, l'utilisation d'une forme poétique comme un calligramme, ou l'emploi de mots, etc. Au contraire d'une consigne qui doit être exécutée pour permettre la réussite, la contrainte peut être transformée ou détournée, interprétée. À l'école, la contrainte permet de créer, elle est « inductrice » de la création, un déclencheur et non un impératif.

Il s'ensuit que pour une même tâche à effectuer, il est possible de donner différentes « formes » de consignes ou contraintes (longues et séquentialisées ou brèves, sous forme orale, écrite, avec des pictogrammes, réitérées, reformulées). La consigne peut être construite par les élèves, ou encore élucidée collectivement...

Dans un groupe où se trouve un élève malade, facilement distractible, ou avec des troubles mnésiques comme les élèves avec lésions cérébrales, ou encore des douleurs, les consignes doivent être souvent réitérées, pas seulement par l'enseignant, et proposées selon des formes diverses.

 

Points de vigilance 

Une erreur fréquente consiste à confondre chez l'élève la capacité à réaliser la tâche et la capacité à comprendre le sens de la consigne. Une attention particulière doit donc être prêtée à la forme de la consigne. Elle doit faire sens et pas seulement être « comprise ». Par exemple de nombreux élèves occupés à découper et coller sur leur cahier des vignettes pour reconstituer la frise chronologique d'un récit (ordre dans un schéma narratif) oublient ou ne comprennent pas que l'objectif est de restituer l'ordre des événements et non de découper et coller proprement des vignettes.

Une autre erreur consiste à reformuler les consignes, ce qui souvent conduit à donner une autre consigne que la consigne initiale et, de ce fait, à engager l'élève dans une autre tâche !

Attention : trop de consignes paralysent les élèves. Les consignes ne sont pas toujours utiles.

 

La différenciation de l'évaluation 

 

Remarques générales 

En fonction des besoins des élèves, en lien avec le rythme d'apprentissage notamment, il faut envisager de différencier également l'évaluation des apprentissages. Il y a des questions à se poser systématiquement : Évaluer pourquoi ? (et pour qui ?) Évaluer quoi ? Évaluer comment ? Évaluer quand ?

 

Dédramatiser l'évaluation scolaire

L'évaluation avec des élèves malades et handicapés doit souvent s’inscrire dans une temporalité (durée, périodicité, fréquence, moments-clés) différente de celle habituellement utilisée en classe ordinaire, si l'on veut qu'elle ait une véritable valeur pédagogique. Il faut par exemple tenir compte du rythme d'apprentissage impacté par les conséquences des troubles (par exemple la lenteur, la fatigabilité, l'anxiété...).

Il faut également réfléchir aux modalités afin que l'évaluation ne fasse pas obstacle aux apprentissages mais soit au service des apprentissages. La situation d'évaluation « officielle » est parfois peu fiable, en termes d'évaluation des compétences, tant elle est anxiogène.

L'évaluation (interrogations orales, contrôles écrits, examens) est souvent l'objet de grandes inquiétudes pour l'élève malade, dont la scolarité se déroule en pointillés. Outre le fait que cette anxiété amène à des contre performances, elle peut majorer des manifestations de la maladie (survenue de crises dans le cas d'asthme ou d'épilepsie par exemple).

Il est important dans ce contexte d'aménager les modalités et les conditions de la passation de l'évaluation : on peut différer l'évaluation en cas d'absence aux derniers cours, préférer une évaluation à l'oral, en situation duelle, pour les élèves les plus émotifs ou fatigables, prévoir un secrétaire pour un contrôle écrit, alléger l'évaluation ou la découper sur plusieurs temps. Prévoir une évaluation de « rattrapage », ou encore une aide à l'élucidation des consignes pour sécuriser l'élève, sans pour autant le dispenser de l'évaluation. 

 

Évaluer pourquoi et pour qui ?

 

Du côté de l'enseignant

- Pour déterminer les acquis, les besoins d'apprentissages (cas des élèves qui arrivent pour la 1ère fois dans le groupe classe : évaluation diagnostique) ;
- Pour déterminer si les objectifs fixés pour la séance ont été atteints ou non ;
- Pour identifier les progrès, les obstacles qui perdurent ;
- Pour réajuster la progression pour chaque élève et fixer les futurs objectifs prioritaires (évaluation formative) ;
- Pour faire un bilan des compétences (évaluation sommative).

 

 Du côté de l'élève (évaluation formatrice)

- Pour prendre conscience de ses compétences, de ses progrès ;
- Pour prendre conscience de ce qui reste à faire, (évaluation formatrice, auto évaluation) ;
- Pour apprendre de ses erreurs (Voir la fiche : Erreur et apprentissage).

 

Utiliser différentes formes d'évaluation

Évaluation / observation : de l'enseignant, de l'AESH, entre pairs..., avec grille ou non

Auto-évaluation de l'élève : des outils peuvent aider  à prendre conscience visuellement de ses progrès  comme « l'arbre des réussites », ou la frise des fiertés : l’élève ajoute lui-même au fur et à mesure de l'année les feuilles ou vignettes indiquant ses nouvelles capacités ou compétences (ce que je sais faire)

Évaluation collective/ individuelle

Évaluation officielle/ évaluation implicite (par exemple observation du maître à partir des réalisations de l'élève sans que l'élève ait le sentiment d'être en situation d'évaluation)

Envisager les différents aspects temporels de l’évaluation

Compte tenu de la fluctuation des performances de certains élèves malades, il s'avère  en effet très utile d'envisager différentes temporalités de l'évaluation.

Différencier les moments où l’on évalue : évaluation à court terme, en différé, à long terme autant de temporalités que de situations singulières. La durée de l'évaluation, sa fréquence sont également des éléments importants à considérer si un élève atteint de maladie chronique est présent dans la classe. 

 

Différencier  tâches et supports pour l’évaluation

Il convient de sortir des questionnaires évaluatifs comme seule modalité d'évaluation. Ils sont source de confusion car parfois les libellés des questions occultent pour les élèves le sens des questions posées.

Mais surtout il ne faut pas hésiter à évaluer les élèves sur « tâche complexe », notamment dans le cadre de mini projets, comme on dit pour le maçon, à évaluer « au pied du mur ». Les situations « fonctionnelles », celles qui renvoient à la réalité sont les plus propices à donner du sens à l'évaluation et à la dédramatiser en particulier dans le cadre collectif de projets variés. Il peut s'agir par exemple de faire interpréter une saynète pour vérifier la compréhension d'une situation (l'interprétation de l'élève étant alors l'indicateur témoignant de sa compréhension de la notion ou de la situation) ou de faire pratiquer une interview pour travailler l'oral et vérifier les compétences à tester dans le sujet, à formuler clairement des questions en tenant compte de l'identité de l'interlocuteur.

 

Créer un climat propice pour évaluer

Rassurer l'élève, travailler le statut de l'erreur, favoriser dès que cela est possible les activités de métacognition contribuent à sécuriser les élèves fragiles et à privilégier les compétences qui consistent à apprendre à apprendre.

Par ailleurs, pour des élèves sans cesse confrontés à la gravité de l'existence et à des évaluations médicales lourdes de conséquences, il est important d'introduire dès que cela est possible une dimension ludique et gratuite aux activités scolaires.

 

Pour conclure

Favoriser la différenciation au service des élèves atteints de maladies chroniques invalidantes suppose de privilégier certaines démarches.

Il s'agit de proposer une variété de tâches et de consignes selon diverses modalités pédagogiques : proposer des tâches accessibles, permettant d'atteindre potentiellement l'objectif visé, donner des consignes rares, souvent réitérées et proposées selon des formes diverses orales, écrites, implicites, créées par les élèves ou co-construites avec eux. 

Une dimension ludique et gratuite données aux activités scolaires n'est pas antinomique de l'apprentissage et se révèle souvent bénéfique avec des élèves fragiles, anxieux. L 'essentiel est de dédramatiser l'évaluation scolaire. Si l'on doit « évaluer », il est nécessaire d'utiliser différentes formes d'évaluation, de créer un climat de confiance.

Enfin, pour permettre au jeune patient de redevenir élève, il est essentiel de faire de l'élève un évaluateur de ses performances / compétences et de celle des autres, c'est le mettre en position active alors que la maladie, le handicap physique, psychique ou social le contraint trop souvent à la passivité.

 

* École inclusive, différenciation et BEP 

Dans le cadre de l’école inclusive, il s’agit désormais pour l’école de s'adapter à la diversité des besoins particuliers des élèves, ce n’est plus aux élèves à Besoins Éducatifs Particuliers (BEP) de s’adapter au fonctionnement de l’école. L’école inclusive a pour mission « de ne laisser aucun élève au bord du chemin ». (Circulaire n° 2019-088 du 5 juin 2019, Bulletin officiel de l'Éducation nationale, n° 23 du 6 juin 2019). 

Pour les enseignants en classe ordinaire qui accueillent une diversité d’élèves, dont certains à BEP, au sein d'une même classe, il devient nécessaire de mettre en œuvre une pédagogie différenciée afin « d’adapter l’enseignement pour la réussite de tous les élèves » (Conférence de consensus différenciation pédagogique, recommandations du jury, mars 2017, Cnesco/ IFE/ ENS Lyon). À ce titre, la différenciation pédagogique constitue un outil majeur au service de l’école inclusive. Il s'agit au sein d'un groupe classe ou en « barrette » avec d'autres classes de proposer des objectifs, un rythme d'apprentissage, des tâches, des consignes et des modalités d'évaluation diversifiés, en fonction des différentes façons d'apprendre des élèves. La constitution de groupes, même restreints (binôme, trinômes), ayant, selon les disciplines, le même profil d'apprentissage, permet de prendre en compte la diversité des élèves et permet à l'élève handicapé de ne pas être stigmatisé, sa différence occasionnant des besoins souvent communs à d'autres élèves.

16/03/21

 

 

Dossier de veille n°113 de l’IFE : La différenciation pédagogique en classe, « Une question de sens »

Le Plan d’Accompagnement Personnalisé
Circulaire n° 2015-016 du 22 janvier 2015 (BOEN n° 5 du 29 janvier 2015)

Annuaire MDPH

Circulaire n° 2015-129 du 21-08-2015 : Unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis), dispositifs pour la scolarisation des élèves en situation de handicap dans le premier et le second degrés.

Création et organisation d'unités d'enseignement dans les établissements et services médico-sociaux ou de santé : arrêté du 2-04-2009. Journal Officiel du 8 avril 2009.

Circulaire n° 2017-084 du 03-05-2017 : Missions et activités des personnels chargés de l'accompagnement des élèves en situation de handicap.

ORNA : L'Observatoire national des ressources numériques adaptées recense des ressources numériques utilisables par des professeurs non spécialisés confrontés à la scolarisation d'élèves en situation de handicap (logiciels, applications tablettes, matériels, sites internet, cédéroms, DVD-Rom, bibliothèques numériques.

Vivre avec une maladie rare : aides et prestations pour les personnes atteintes de maladies rares et leurs proches (aidants familiaux/proches aidants).
Ce Cahier Orphanet est un document qui a pour objectif d’informer les malades atteints de maladies rares ainsi que leurs proches de leurs droits et de les guider dans le système de soins.

Guide pour scolariser les élèves en situation de handicap
Guide élaboré par le Ministère de l'Éducation nationale

D'autres informations peuvent être obtenues par le n° Azur de la ligne « Aide Handicap École » au 08 10 55 55 00.

Loi du 11 février 2005 sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées
(voir en particulier l'article 19)

Enquête et partage