Introduction

La maladie chronique, au-delà de ses conséquences sur le corps et sur l'esprit, a aussi des répercussions sur les relations que l'élève entretient avec les autres, notamment ses pairs. Souvent celles-ci sont modifiées. Bien que parfois fragilisées et entravées, elles restent essentielles pour que le jeune apprenne comme les autres et elles peuvent constituer une richesse pour les élèves valides confrontés à des situations et des relations inédites.

 

Les conséquences de la maladie

La maladie a pour première conséquence d'isoler. Nécessitant souvent des espaces spécifiques, médicalisés, l'élève reçoit des soins se déroulant généralement dans des lieux éloignés de son environnement et de ses proches. Il se retrouve alors seul face aux personnels de santé qui « agissent » sur lui. Parfois, la maladie oblige l'élève à quitter son domicile pour une plus longue durée, dans le cadre d'une hospitalisation ou d'une convalescence, avec des situations d'alitement rendant impossible tout déplacement et nécessitant un enseignement individuel au chevet. Elle peut aussi entraîner des ruptures dans sa vie, débouchant sur des apprentissages décousus et une perte de lien. La variation d'état psychologique, qui accompagne souvent la maladie, peut aussi être créatrice de coupures, d'un désintérêt pour les activités scolaires, par un renfermement sur soi allant jusqu'au refus d'apprendre. Inversement la maladie conduit parfois à un surinvestissement des activités scolaires.

La maladie peut rendre différent, du fait de ses conséquences sur l'apparence physique : modifications du corps (corpulence pigmentation, posture...) ou port de prothèses temporaires ou définitives, par exemple. Maladie, prises de médicaments et soins génèrent souvent de la fatigue et peuvent aussi entraîner de la somnolence et de la douleur. Les conséquences affectives de la maladie peuvent fragiliser l'élève, avec parfois des passages aigus de dépression ou d'euphorie, des moments de perte de confiance en soi, de peur ou d'apathie. Tout cela peut le placer « à distance des autres », au cœur d'expériences uniques, parfois impossibles (ou difficiles) à partager. En outre, par son vécu des espaces de soins, l'élève acquiert peu à peu une expertise de sa pathologie, connaissances précises et pointues qui le rendent différent des autres. Enfin, ces expériences acquises de par la place quotidienne prégnante de la maladie ont souvent pour effet de développer chez l'élève malade une maturité différente, le mettant parfois en décalage avec ses pairs.

La maladie empêche parfois l'élève d'agir comme les autres. Dans le cadre de sa scolarité, il peut lui arriver de ne pas participer à toutes les activités qui se déroulent en classe : temps d'apprentissage comme temps d'échanges, de partages ou de convivialité. Il ne peut pas toujours apprendre en même temps que ses camarades, devant par moments quitter l'espace de la classe ou de l'école. Parfois aussi, il ne s'inscrit que partiellement dans les activités ou projets, absent lors de certaines étapes, ce qui peut être source de frustration ou de désintérêt. Ainsi, les actions qui se déroulent en classe sur une durée relativement longue ne lui sont pas toujours accessibles dans leur totalité. Certaines activités peuvent aussi lui être déconseillées, voire interdites, certains lieux inaccessibles, en raison de contre-indications médicales.

 

Les pairs, quels pairs ?

Ordinairement, lorsque l'on parle de pairs, on entend majoritairement les copains de classe ou de quartier. L'élève malade, lui, va se trouver entouré de pairs différents selon les moments de sa vie. En effet, les fluctuations ou conséquences de sa maladie peuvent l'amener dans d'autres lieux (de soins) dans lesquels il est aussi scolarisé. Alors, ses pairs « changent » : ce ne sont plus forcément des élèves de son âge. Ce sont des pairs particuliers qui peuvent avoir des expériences similaires ou différentes : mêmes lieux de soins et d'enseignement mais maladies différentes, situations ou durées de soins distinctes... Pourtant, ils partagent le même enseignant qui les rassemble autour des apprentissages. Ainsi, les pairs de l'hôpital ou de l'établissement de soins ont d'autres caractéristiques que ceux de la classe ordinaire, mais ils peuvent aussi avoir, pour l'élève malade, une place importante dans son quotidien et dans sa vie.

 

En quoi les relations avec les pairs sont importantes pour les élèves malades

Des échanges réguliers, suivis, avec un partage du quotidien (même s'il est à distance), l'aident à se sentir appartenir à un groupe, celui des élèves de sa classe. Ses relations avec les autres élèves lui permettent de créer du lien et de la continuité face à l'alternance de ses absences et présences, face aux ruptures que sa maladie peut occasionner. Pendant son absence, à son retour ou en prévision d'un départ futur, tous les liens tissés avec les pairs sont autant d'occasions d'en atténuer les effets de discontinuité. Cela nécessite d'anticiper à chaque fois que possible les aménagements nécessaires. La régularité des échanges avec la famille aide à l'élaboration des dispositifs à envisager.

Toutes les activités qui permettront aux élèves de mieux se connaître, au travers d'échanges de point de vue, de constructions ou de réflexions communes seront autant d'occasions d'éviter à l'élève malade d'être vu comme différent, car peu ou pas connu en tant que personne. Chacun saura apprécier sa richesse et sa différence et comprendra davantage les raisons de ses attitudes et ses avis. Ainsi, il aura sa véritable place dans le groupe, « son rôle » dans l'action collective, pour collaborer ou coopérer.

Afin que chacun puisse affirmer sa personnalité, il est essentiel de ménager des espaces de paroles entre élèves. L'élève malade, tout comme les autres, doit pouvoir partager son expérience dans ce qu'elle a de particulier et dans ce qu'elle a de commun avec ses pairs. Le partage de ce qu'il vit, avec certains de ses camarades, peut ainsi lui donner de la force pour affronter des épreuves à venir ou réduire son sentiment d'isolement. Avoir des espaces pour parler, s'il le désire, à ses camarades lui permettra parfois de mieux supporter ses épreuves : la mise en mots de situations personnelles peut permettre de s'en distancier, de mieux les comprendre et aussi de les anticiper. L'écoute des autres apporte aussi du réconfort. Des activités littéraires ou scientifiques peuvent favoriser des temps d'expression personnelle. L'enseignant sera attentif à réguler certains échanges et à s'appuyer sur les partenaires de soins si nécessaire.

Les temps de paroles entre élèves amènent aussi le partage du vécu scolaire par la parole, qu'elle soit orale ou écrite. Lorsque l'élève malade ne peut pas faire comme les autres ou aller aux mêmes endroits, les différentes formes de communication collectives sont autant de moyens de le faire participer (par « pair interposé ») aux activités de la classe. De plus, des modalités variables de travail (en groupe, binômes, ou en répartissant les tâches...) sont aussi des réponses aux contraintes que la maladie impose, qui peuvent compenser les empêchements de faire de l'élève malade.

 

Propositions d'actions pédagogiques pour favoriser les relations entre pairs

Certaines démarches pédagogiques favorisent plus particulièrement les interactions entre élèves. Ainsi, la démarche de projet place les élèves au cœur de l'action et les amène à collaborer, coopérer et construire ensemble. Chaque élève a sa place et est nécessaire à l'avancement du projet. Dans cette démarche, l'élève malade ne se sent pas à l'écart : il est un des membres du groupe classe et, comme les autres, nécessaire au bon déroulement du projet. Ses particularités font de lui un partenaire d'exception, par ses connaissances spécifiques et son expérience unique, mais aussi par les lieux qu'il fréquente qui peuvent apporter au groupe des ressources inattendues (matérielles ou humaines). Toutes les étapes de la démarche de projet (de diagnostic, d'élaboration, de réalisation, d'évaluation et d'analyse) nécessitent des ajustements, des accords, des choix, ce qui nécessite des temps d'échanges multiples. Même si l'élève malade ne peut y assister physiquement, son avis et sa place sont pris en compte par le groupe (échanges à distance via une messagerie électronique par exemple).

La démarche d'investigation employée dans l'enseignement des sciences à l'école et au collège mobilise aussi des situations d'échanges et de partages. L'investigation scientifique est en effet le résultat d'un travail collectif. Travaillant en petits groupes, les élèves confrontent leurs idées, débattent, réfléchissent sur ce qu'ils doivent faire et comment le faire. Ils travaillent ensemble, raisonnent et mettent en commun observations et résultats. Ces moments collectifs sont nécessaires pour que les investigations débouchent sur une véritable construction de connaissances. Ainsi, cette démarche place l'élève malade dans un espace où les relations avec ses pairs sont indispensables, où la diversité des questionnements et des cheminements permet l'acquisition de savoirs, au sein d'un groupe où tous se retrouvent pour chercher des réponses aux questions qu'ils se posent.

Nous pouvons aussi retenir toutes les activités qui placent les élèves face à des situations-problèmes, créant alors des espaces relationnels riches permettant de compenser les temps de solitude de l'élève malade. Enfin, le travail sous forme de défi (mathématiques, technologiques, littéraires, ...) amène les élèves à rencontrer ou échanger avec d'autres jeunes (classes ou écoles différentes) autour d'un but commun. Ici, l'élève malade peut augmenter son réseau relationnel et aussi utiliser ses ressources pour que le défi soit gagné par son groupe.

Certaines activités, dans différents domaines disciplinaires, favorisent particulièrement les relations entre les élèves et ouvrent aux échanges ou aux partages. Dans l'enseignement de la langue, nous pouvons noter par exemple les activités théâtrales ou la création poétique, ainsi que toutes celles qui sont liées à la communication (correspondance, récit, interview, questionnaire...). De même, l'éducation musicale propose de nombreux cadres d'expression collective (chorale, comédie musicale, jeu d'instruments...) entraînant une relation soutenue entre élèves. Enfin, la culture humaniste favorise la construction collective de savoirs sous forme d'exposés, de recherches ou encore de visites.

Quel que soit le domaine travaillé, l'enseignant peut aussi faire des choix pédagogiques dans le cadre du déroulement des séances. Ces choix favorisent alors les échanges entre élèves, en ménageant des temps de travail en groupe ou en binôme, sans intervention particulière de l'adulte, ou en proposant des activités qui obligent les élèves à travailler ensemble. L'enseignant peut aussi proposer des espaces de débats, par exemple dans le cadre d'ateliers philosophiques, où l'élève malade aura la possibilité de parler de lui, d'expliquer aux autres son point de vue, par le biais de lectures de textes d'auteurs.
Ainsi, toutes les actions qui concourent à l'élaboration de liens avec d'autres élèves, qui génèrent le partage des compétences, qui s'appuient sur les ressources de chacun et qui créent des espaces de vrais échanges sont à privilégier afin que l'élève malade puisse disposer le plus souvent possible de l'appui de ses pairs et les faire bénéficier de sa propre richesse.

Collaboration avec l'AESH

Quand l'élève est accompagné par un AESH (Accompagnant d'Elève en Situation de Handicap), la collaboration enseignant/AESH permet d'adapter les situations d'apprentissage dans leur diversité (en classe et en sortie scolaire) et d'aménager la vie quotidienne à l'école. L'enseignant doit indiquer à l'AESH les modalités d'intervention à privilégier selon les activités et lui demander ensuite ce qu'il a observé de la participation de l'élève.

 

 

Récapitulatif des mesures à privilégier

- Penser la spécificité des besoins de l'élève malade comme une richesse pour ses pairs.
- Anticiper les aménagements favorisant les relations élèves malades/élèves valides.
- Favoriser les activités d'expression.
- Développer les démarches pédagogiques rendant les élèves acteurs de leurs apprentissages.
- Proposer des travaux de groupes permettant la confrontation des points de vue.
- Y associer régulièrement la famille.

21/06/2017

Circulaire n° 2017-084 du 3-5-2017: Missions et activités des personnels chargés de l'accompagnement des élèves en situation de handicap

Des cours massivement multi-apprenants
MOOC (Massive open online course) :
À propos des cours en ligne massivement multi-apprenants

Interactions sociales et apprentissage
Ressources pour les groupes de projets de W. Tessaro 

La pédagogie coopérative ou La coopération au cœur des apprentissages
La pédagogie coopérative ou La coopération au cœur des apprentissages
Eléments historiques et questions en débats
Jean-François VINCENT

Vivre avec une maladie rare : aides et prestations pour les personnes atteintes de maladies rares et leurs proches (aidants familiaux/proches aidants): ce Cahier Orphanet est un document qui a pour objectif d’informer les malades atteints de maladies rares ainsi que leurs proches de leurs droits et de les guider dans le système de soins.

 

Enquête et partage