Qu'est-ce que le syndrome de Smith-Magenis?

Le syndrome de Smith-Magenis a été décrit pour la première fois en 1982 par le Dr Ann Smith. Il se caractérise par un retard mental associé à divers troubles du comportement et à d'importants troubles du sommeil ; il peut s'accompagner de malformations, principalement ORL, ophtalmologiques, cardiaques ou rénales. Le caractère génétique de ce syndrome a été démontré au milieu les années 80.

 

Pourquoi ?

C'est un syndrome d'origine génétique. Il résulte de la perte (délétion) d'un fragment précis du chromosome 17, la bande p11.2, qui contient notamment le gène RAI1, un gène important pour le développement et pour la régulation du sommeil. Il suffit que l'un des deux chromosomes 17 de l'enfant soit atteint pour que le syndrome s'exprime.
Le plus souvent, la délétion est apparue accidentellement chez l'enfant, le caryotype des parents est normal, on parle de délétion « de novo ».

 

Quels symptômes et quelles conséquences ?

Le syndrome de Smith-Magenis se caractérise principalement par un retard des acquisitions, des troubles du sommeil et des troubles du comportement, qui apparaissent souvent dès les premières années de vie. La marche est souvent acquise un peu tardivement, entre 18 mois et 2 ans. Par la suite, beaucoup d'enfants gardent un manque d'aisance motrice (pour pédaler, courir...), et des troubles de la coordination des gestes avec une certaine maladresse et une lenteur. L'apparition du langage et de la parole se fait avec retard dans la quasi-totalité des cas. Alors que les enfants acquièrent souvent un vocabulaire relativement riche, ils gardent fréquemment d'importants troubles de la syntaxe et des difficultés de prononciation (dysarthrie). Certains d'entre eux accèdent néanmoins à un assez bon niveau de langage alors que d'autres gardent des troubles importants, qui peuvent contraster avec un bon niveau de compréhension. Le retard intellectuel est variable d'un individu à l'autre.
Les enfants atteints de syndrome de Smith-Magenis ont presque toujours des troubles du sommeil dus à une inversion de la sécrétion de mélatoninel'hormone qui régule le cycle veille-sommeil. Ils se couchent très tôt (vers 19 ou 20 heures), dorment mal avec un sommeil agité et de nombreux réveils nocturnes prolongés pendant lesquels ils s'agitent, pour se lever finalement vers 5 heures ou 6 heures du matin. Les troubles du sommeil ont des répercussions dans la journée avec des accès de somnolence diurne ainsi que des difficultés de concentration et de gestion des émotions ; ils peuvent retentir fortement sur la vie familiale. Des troubles du comportement alimentaire (en particulier une tendance au grignotage) sont également fréquents au cours du syndrome de Smith-Magenis, avec un risque élevé de surpoids. Une atteinte nerveuse (neuropathie) est possible, qui pourrait expliquer la faible sensibilité à la douleur de certains de ces enfants.
Même si les enfants atteints de syndrome de Smith-Magenis sont tous différents, ils partagent souvent certaines façons d'être. Ce sont généralement des enfants affectueux, gais, , attentionnés, très désireux de plaire, mais agités et impulsifs. Facilement angoissés, ils recherchent avidement l'attention des adultes, qui semble les rassurer, alors qu'ils sont généralement moins intéressés par les enfants de leur âge. Ils se laissent facilement submerger par leurs émotions et peuvent présenter à ces occasions de violentes colères et/ou des mouvements agressifs, voire auto-agressifs (comme se mordre, se pincer, se taper la tête contre les murs...), qu'ils regrettent par la suite.
De façon générale, ils sont sensibles aux bronchites et aux infections ORL : laryngites, otites à répétition qui risquent de se compliquer d'otite séreuse... Un déficit auditif est fréquent, lié ou non à une otite séreuse ; s'il n'est pas pris en charge de façon précoce, il risque d'aggraver encore les difficultés d'apprentissage de la parole et du langage. La voix de ces enfants est souvent rauque.
Sur le plan ophtalmologique, ces enfants ont plus souvent que les autres des troubles de la réfraction (myopie, hypermétropie) ou de convergence (strabisme) pour lesquels ils doivent être traités (lunettes, rééducations, opérations). Certains comportement auto-agressifs peuvent favoriser la survenue de complications (au niveau de la rétine) chez les enfants atteints de myopie sévère , justifiant une surveillance régulière.
Bien qu'une malformation cardiaque soit présente chez près de 40 % des enfants à la naissance, à l'âge scolaire, celles-ci sont généralement bien tolérées ou ont déjà été opérées. Une malformation rénale, des problèmes de thyroïde (hypothyroïdie) ou une épilepsie sont possibles mais beaucoup plus rares. Plus que les autres, ces enfants risquent de développer une scoliose à l'adolescence.

 

Quelques chiffres

Le syndrome de Smith-Magenis concerne aussi bien les garçons que les filles. Sa fréquence est estimée autour de 1/25 000 naissances en France. Dans la grande majorité des cas, il s'agit de cas isolés dans leur famille (cas sporadiques).

 

Traitement

À l'heure actuelle, la médecine ne sait pas « remplacer » le petit fragment de chromosome manquant et il n'existe pas de traitement du syndrome de Smith-Magenis. La prise en charge, pluridisciplinaire, est adaptée au cas par cas et centrée sur les symptômes de l'enfant. Elle doit être débutée de façon précoce et poursuivie pendant toute l'enfance et l'adolescence.
Une prise en charge en psychomotricité ou en kinésithérapie est souvent mise en place dans la petite enfance du fait de difficultés motrices. La psychomotricité permet ensuite d'accompagner l'enfant dans ses interactions physiques et émotionnelles avec son environnement : développement du schéma corporel, tonification, autorégulation... La prise en charge des troubles de la parole et du langage repose sur une rééducation orthophonique. Un suivi psychologique et/ou psychiatrique est souvent nécessaire pour les troubles du comportement.
Des traitements médicamenteux comme la mélatonine et/ou les bétabloquants permettent souvent de corriger en partie les troubles du sommeil, et peuvent de ce fait améliorer partiellement les troubles du comportement. D'autres médicaments peuvent être prescrits en cas de troubles sévères du comportement, pour améliorer l'attention, diminuer l'hyperactivité, ou permettre un meilleur contrôle des émotions.
Un déficit auditif, une malformation cardiaque et/ou rénale doivent être systématiquement recherchés et, le cas échéant, pris en charge de façon adaptée.
Le prévention de l'obésité, particulièrement fréquente chez ces enfants, repose sur un régime alimentaire adapté et la pratique régulière d'une activité physique.

 

Conséquences sur la vie scolaire

Les enfants porteurs d'un syndrome de Smith-Magenis, très attirés par les adultes et en quête permanente d'attention individuelle, cherchent généralement à monopoliser leur enseignant.
Outre des troubles de la concentration et un déficit attentionnel, ils présentent souvent des difficultés de mémorisation -préférentiellement de la mémoire à court terme-, des troubles de la perception et de la représentation dans l'espace (troubles visuo-spatiaux), des difficultés d'abstraction ainsi qu'une faible habileté pour les processus séquentiels (auquel cas utiliser des images pour visualiser les différentes étapes peut constituer une aide, ces enfants réagissant bien aux éléments visuels).
Beaucoup rencontrent de ce fait des difficultés scolaires dès l'école maternelle. Par la suite, certains peuvent poursuive une scolarité ordinaire pendant un temps, le plus souvent avec l'aide d'un accompagnant d'élève en situation de handicap et un soutien actif de la famille, mais la plupart se voient proposer un dispositif d'inclusion de type Ulis ou une orientation vers un établissement spécialisé. L'accès à la lecture et aux rudiments de l'écriture constitue néanmoins un objectif réaliste pour une part de ces enfants.
S'il existe une malformation cardiaque, la pratique des activités sportives en milieu scolaire est soumise à l'appréciation du médecin de l'enfant. On se réfèrera alors aux éléments donnés dans le cadre du Projet d'accueil individualisé (PAI) ou du Projet personnalisé de scolarisation (PPS).

 

Quand faire attention ?

A. Les colères
La plupart des enfants atteints de syndrome de Smith-Magenis sont sujets à de violentes colères, brutales et sans cause évidente le plus souvent. Certains facteurs sont toutefois susceptibles de déclencher des colères : la frustration, la contrainte, la réprimande, mais aussi la fatigue, les changements d'habitudes et les surprises. Souvent aussi, les enfants sont extrêmement sensibles aux émotions des gens qui les entourent, que ces émotions soient positives ou négatives ; ils peuvent ainsi se mettre en colère en réaction à l'exaspération, ou à l'inverse, à l'enthousiasme excessif de leur interlocuteur. Les colères constituent en outre un moyen de capter ou de maintenir l'attention de l'adulte braquée sur eux.
Pour limiter au maximum l'apparition de ces épisodes, il faut donc éviter autant que possible les situations susceptibles de les déclencher. Par exemple :
- En détournant l'attention de l'enfant sur autre chose au moment d'arrêter une activité qu'il appréciait pour limiter la frustration ;
- En adoptant le comportement le plus neutre possible (aucune marque d'affection) avec ces enfants qui ont néanmoins besoin d'être encouragés et valorisés ;
- En privilégiant le travail en petit effectif, ce qui permettra aussi d'améliorer les capacités de concentration de l'enfant ;
- En prévenant l'enfant à l'avance avant toute modification de ses habitudes ;
- En autorisant l'enfant à s'isoler dans un coin calme et isolé, si possible hors de la classe, s'il sent venir la colère ou qu'il en ressent le besoin ;
- ...

Si la colère se déclenche néanmoins, il est indispensable de garder un ton calme et posé et d'isoler l'enfant un court instant, si possible hors de la classe et en présence d'un adulte autre que l'enseignant.

B. Lors des repas
Du fait des tendances boulimiques de certains enfants, il faut :
- Éviter de donner les récompenses sous forme de nourriture ;
- Surveiller l'enfant lors des repas ;
- Lui servir de petites quantités et éviter qu'il se resserve...

C. Après un traumatisme
Certains enfants, du fait de leur faible sensibilité à la douleur, risquent de n'exprimer aucune plainte après une blessure (quelquefois même, y compris en cas de fracture). Après tout traumatisme, il faut donc rester vigilant et, au moindre signe anormal (boiterie, diminution de l'utilisation d'un membre...), prévenir les parents pour que l'enfant puisse bénéficier rapidement d'une consultation médicale.

D. À l'adolescence
De part leur grande sociabilité et leurs difficultés à gérer leurs émotions, ces jeunes peuvent s'approcher très facilement de personnes qu'ils ne connaissent pas et/ou avoir beaucoup de mal à adopter une attitude distanciée par rapport au sexe opposé. Il convient d'y prendre garde et de leur apprendre à maintenir une distance affective et relationnelle adaptée avec leur entourage pour prévenir des comportements inadaptés.

 

Comment améliorer la vie scolaire des enfants malades ?

Pour ces enfants, il est nécessaire d'établir un Projet personnalisé de scolarisation (PPS), qui devra être régulièrement réévalué grâce à la collaboration des différents partenaires du projet.
Des adaptations pédagogiques spécifiques seront nécessaires (voir document dans la colonne « scolarisation »). Il s'agira notamment de :
- offrir un cadre de travail calme, structuré, ritualisé ;
- favoriser l'attention et la concentration de l'élève ;
- s'appuyer sur les bonnes capacités visuelles de ces enfants plutôt que sur leur mémoire pour les apprentissages ;
- décomposer les consignes et les répéter, diviser les tâches en plusieurs composantes, utiliser des images pour visualiser les différentes étapes d'une activité séquentielle ;
- privilégier le concret.

 

L'avenir

Les apprentissages sont lents mais prolongés. Les adultes conservent néanmoins souvent des difficultés de coordinations des gestes et des troubles du comportement qui leur permettent rarement d'être totalement autonomes ; en revanche beaucoup peuvent exercer une activité professionnelle, quelquefois en milieu ordinaire, plus souvent dans le cadre d'un Établissement et service d'aide par le travail (Ésat).

Pour avoir des pistes pédagogiques plus détaillées, voir la rubrique jaune.

Pour travailler en partenariat, voir la rubrique rouge.

Pour connaître le point de vue des personnes concernées, voir la rubrique verte : témoignages ou associations.

Pour voir d'autres documents complémentaires, cliquer sur les liens ci-dessous.

 

PRISM: Parents and Researchers interested in Smith-Magenis Syndrome
Site de l'association américaine du syndrome de Smith-Magenis (en anglais).

Observation clinique et accompagnement au long cours des personnes porteuses d'un syndrome de Smith Magenis
Cet article a été rédigé par le Dr Rösch, ancien médecin de l'Institut de Pédagogie Curative de Chatou et présenté au colloque de l'association ASM en avril 2008 et au colloque de l'association internationale de parents d'enfants porteurs du syndrome à Reston en septembre 2009.

Chromosome

Grec : khroma = couleur ; sôma = corps.
Filaments d'ADN situés dans le noyau de la cellule, particulièrement visibles au moment de la division cellulaire et support de l'information génétique.

Classe d'inclusion scolaire (Clis)

La dénomination classes d'inclusion scolaire (Clis) a été abrogée. Les élèves du premier degré sont maintenant scolarisés dans des dispositifs appelés Ulis école.

Gène

Grec : genos = race.
Unité d'information génétique constituée d'un petit fragment de la molécule d'ADN. Les gènes, porteurs des informations génétiques transmises au cours des générations, contiennent les données nécessaires à la fabrication d'une protéine.

Génétique

Grec : genos = race.
Science qui étudie la transmission des caractères anatomiques, cellulaires et fonctionnels des parents aux enfants.
Voir gène.

Orthophonie

Grec :orthos = droit et phônê = voix.
Rééducation des troubles de l'élocution et du langage écrit et parlé.

Projet personnalisé de scolarisation (PPS)

Il organise la scolarité de l'enfant à l'école, au collège ou en établissement spécialisé. Il est élaboré par l'équipe pluridisciplinaire d'évaluation, validé par la CDA (Commission des droits et de l'autonomie), deux instances de la Maison départementale des personnes handicapées. Les professionnels qui accompagnent l'enfant dans sa scolarité mettent en œuvre ce projet en collaboration avec la famille.

Psychomotricité

Technique de rééducation qui fait appel aux facultés mentales et physiques du patient afin de l'aider à s'adapter ou à se réadapter à son environnement ; plus simplement, cette technique cherche à réconcilier corps et esprit pour vivre harmonieusement dans l'espace. Elle repose sur la relaxation et sur des techniques d'expressions variées qui sont réalisées à travers des jeux et des mobilisations.

Enquête et partage