La danse s’inscrit dans les programmes scolaires, dans le cadre des activités corporelles, artistiques et sportives. Elle met en jeu le corps dans sa globalité et permet à l’élève d’aborder l’espace et le temps en proposant un mode d’expression créateur. Elle offre aux élèves souffrant de maladie chronique des expériences corporelles nouvelles, l’occasion d’une plus grande maîtrise de leur environnement physique et humain, des modalités différentes d’expression personnelle et des espaces partagés de liberté et de plaisir.

 

La danse, un espace d’expression, de création et de relation pour tous les élèves

La danse est une activité physique qui met en jeu le corps, le nôtre comme celui de l’autre ou des autres. Danser, c’est utiliser son corps comme un matériau, en combinant une infinité de mouvements différents, dans des dynamiques variées. C’est ainsi aborder l’espace et le temps de façon différente. L’espace devient terrain d’aventure, lieu d’exploration et de découverte. Le temps se découpe, se déforme et se plie au mouvement du danseur. Créatrice, la danse est un mode d’expression qui met en scène une intention, une pensée et cherche à communiquer corporellement des émotions. Les idées sont mises en mouvement, la danse construisant/proposant/initiant un langage différent des mots, le corps créant une écriture singulière. La danse est ainsi un lieu pour inventer des langages nouveaux. Issue d’une démarche artistique, elle a de plus une dimension esthétique : elle est évocation, transposition et interprétation du réel. La danse est collective, car elle nécessite un public, des spectateurs qui reçoivent/réceptionnent son message. Elle se construit aussi grâce aux regards des autres, par un moment de partage d’émotions. Le danseur évolue souvent au sein d’un groupe et ses mouvements s’inscrivent dans un ensemble chorégraphique, se combinant avec l’expression des autres danseurs. Elle est enfin source de plaisir et ainsi contribue à la réussite du danseur. Trois dimensions caractérisent donc la danse : une dimension corporelle où une motricité expressive met en jeu les principes du mouvement (corps, espace, temps, relation), une dimension symbolique qui favorise l’expression singulière et la capacité à imaginer et une dimension sociale sous-entendant des rôles sociaux et un partage, et cherchant à avoir un effet sur le spectateur.

La danse à l’école et au collège va constituer une réelle activité de création, où l’élève qui prend plaisir à bouger spontanément va être conduit peu à peu à transformer et faire évoluer ses mouvements vers une gestuelle pensée et réfléchie, porteuse de sens et d’émotion. Guidé par l’enseignant, il acquiert des compétences de spectateur actif et critique et apprend à construire sa chorégraphie. L’élève découvre et s’approprie différentes actions du répertoire moteur et intègre ses mouvements dans un projet commun. Il utilise et enrichit un code spécifique et s’engage dans une activité au sein d’un groupe dans lequel il trouve sa place. Une démarche comportant une phase d’exploration ou de découverte, une phase de structuration ou de transformation et une phase de réinvestissement ou de transposition, va placer l’élève en situation de création. Alternant des rôles de chorégraphe, de danseur ou de spectateur, il affine son action et son regard.

A l’école maternelle, la danse permet de développer des compétences telles que : agir et s’exprimer, percevoir avec son corps, sentir, imaginer, créer. Les activités d’expression à visée artistique (rondes, jeux dansés, mime et danse) doivent permettre à l’élève le développement de son imagination et l’expression par un geste maîtrisé. L’élève devient capable de s’exprimer sur un rythme musical, mais aussi de transmettre des sentiments et des émotions par le geste et le déplacement. A l’école élémentaire, la danse s’inscrit dans les champs de l’éducation physique et sportive, des pratiques artistiques et de l’histoire des arts. L’élève apprend à s’exprimer corporellement pour communiquer des émotions au sein d’une chorégraphie collective et développe une sensibilité artistique par des contacts avec des œuvres inscrites dans le domaine des arts du spectacle vivant. Au-delà des compétences spécifiques à visée expressive, artistique et esthétique, la danse permet à l’élève de développer des compétences des compétences sociales et civiques, telles l’autonomie et l’initiative.

 

Comment la danse répond-elle aux besoins éducatifs particuliers des élèves souffrant de maladie chronique ?

Les répercussions des maladies sur la scolarisation peuvent entraîner des besoins éducatifs particuliers (BEP). Pour l'école, il s'agit en premier lieu de faciliter l'accès aux apprentissages pour les élèves, qu'ils soient, malades ou non, en mettant en œuvre des pratiques bénéfiques à tous. Mais pour certains jeunes malades, des aménagements spécifiques doivent être réalisés, concernant la vie scolaire et/ou les temps de classe. Il s’agit de leur permettre d'apprendre au mieux de leurs capacités, dans un contexte favorable et grâce à des adaptations pédagogiques individuelles ou au sein de petits groupes.

Le danseur évolue dans un espace et un temps dont il va progressivement acquérir la maîtrise. Les élèves souffrant de maladie chronique ont une scolarité particulière, discontinue en termes de lieux et de temps. Les périodes de rémission leur permettent de retrouver leur école de quartier mais la nécessité de soins les place aussi dans des établissements hospitaliers ou de convalescence. Ce sont ainsi des élèves évoluant dans des lieux multiples. Au quotidien, leurs cadres de vie dépendent souvent directement de la maladie et le rythme de leurs journées se construit en fonction des soins qui leur sont nécessaires. La danse confronte les élèves malades à des situations où ils peuvent conquérir l’espace et modeler le temps au rythme de leurs mouvements et en avoir ainsi la maîtrise à un moment donné. Par exemple, on peut leur proposer une variation sur l’appropriation de l’espace scénique (utiliser peu ou beaucoup d’espace, travailler les procédés de composition tels que la répétition, l’orientation ou la transposition d’un cercle à une ligne...) ou sur la diversité des rythmes (de la statue aux variations de vitesse de mouvements ...).

Le danseur utilise son corps, mais l’élève avec une maladie chronique a fréquemment un rapport au corps qui passe par la souffrance, avec l’existence d’actes médicaux nombreux, parfois douloureux et fatigants, couramment prégnants. Bien souvent objet de soins, « dépossédé » de lui-même, l’élève subit les traitements et n’a pas alors de place dans les décisions prises pour lui. Son corps ne semble pas toujours lui appartenir. Danser peut lui permettre de modifier ce rapport à son corps. En l’utilisant comme outil d’expression, de création et de transmission d’émotions, il peut se le réapproprier et profiter de moments de liberté et de plaisir. Des activités autour de thèmes tels que les animaux (se mouvoir comme un oiseau ou un chat), les quatre éléments (de la glace qui immobilise au gaz qui se disperse...) ou à partir d’objets quotidiens (un chapeau, un parapluie, une cuillère...) peuvent être les supports d’une expression créatrice, le professeur étant attentif à faire des choix dégagés de la maladie. La danse peut alors donner à l’élève malade l’occasion de changer l’approche de son corps.

La vie quotidienne de l’élève souffrant de maladie chronique diffère généralement de celle de ses camarades et il peut lui être bien difficile, voire impossible, d’en partager l’intensité. Source de solitude, d’angoisse ou d’espoir, les répercussions psychologiques et affectives de la maladie demeurent souvent au plus profond de l’élève. La danse propose une modalité d’expression personnelle différente des mots, un langage propre qui peut permettre à l’élève de disposer d’un moyen de libérer ses émotions ou de les transmettre en les transformant. Car ce qu’il crée n’est pas exactement le reflet de lui-même, mais une œuvre à partager, donnant à voir un rêve et cherchant à dépasser la réalité. Ainsi, la danse permet à l’élève de développer son imaginaire par un élargissement de ses sens et sensations, tout en transposant ses émotions. Son corps devient source de plaisir, et non plus de souffrance. Des entrées ludiques dans l’activité danse telles que « marcher comme un robot, marcher avec des échasses, ou se mouvoir comme en apesanteur » peuvent ensuite déboucher sur la capacité à se dépasser ou à exprimer ses émotions.

L’élève malade se trouve moins souvent que ses camarades au sein d’activités collectives : ses absences, les répercussions de sa maladie ou de ses soins limitent ses occasions d’expériences collectives, tant sportives qu’artistiques (les sports collectifs ou de coopération, les rondes, la danse, l’expression corporelle ou théâtrale...). Ainsi, la maladie réduit l’accès de l’élève à une culture commune comprenant des activités engageant le corps. La danse, au contraire, oblige au partage de l’espace et propose à l’élève une expérience corporelle collective. Ainsi, l’élève ne danse pas seul et évolue dans un groupe, en contact étroit avec les autres danseurs. Au travers de consignes comme « se déplacer en « banc de poissons », en miroir ou parallèlement, à l’unisson ou en canon », il acquiert une capacité à coordonner ses mouvements à ceux du groupe. La proximité physique étant, pour l’élève souffrant de maladie chronique, souvent vécue uniquement dans le cadre de ses soins, la danse lui offre la possibilité d’expérimenter un rapport aux autres différent dans un espace commun, où chacun construit son déplacement et son expression en tenant compte de l’autre.

Les répercussions corporelles de la maladie peuvent aussi modifier les relations de l’élève avec ses pairs, ainsi que son rapport avec le corps de ses proches. Ses contacts physiques peuvent aussi être entravés, la maladie faisant obstacle. Réciproquement, le regard des autres peut être modifié ou focalisé sur les conséquences de sa maladie, déformant alors les relations avec le camarade malade et entraînant parfois un sorte de dissymétrie dans la relation (les pairs ne voient plus que les conséquences visibles de la maladie, surprotègent ou ont une attention excessive, de peur des risques encourus, de lui faire mal..). Ainsi, en se montrant et en utilisant le regard des autres pour créer, l’élève malade faire évoluer évoluer le leur, tout comme le sien (construire avec d’autres élèves « une statue de pierre » ou proposer un mouvement qui sera repris en écho par le groupe...) L’activité collective offre ainsi à l’élève malade un espace de partage, d’échange et de compréhension, ainsi que l’occasion d’une transformation du regard de tous.

Alors que l’élève souffrant de maladie chronique se trouve souvent à l’écart du groupe classe, la danse lui offre la possibilité de « chausser » les mêmes rôles que les autres élèves, en tenant compte de sa fatigabilité. Outre sa possibilité de danser, il peut être spectateur ou chorégraphe. Spectateur, il s’imprègne des messages des autres élèves, découvre les réponses singulières de ses pairs, des modes d’expression différents des siens ou analyse les procédés de composition utilisés pour répondre aux consignes données par le professeur. Il s’appuie ainsi sur son observation pour dégager des éléments de composition, de symbolique, de mouvement... Chorégraphe, il organise l’espace scénique en y inscrivant les formes et les déplacements des danseurs, s’appuie sur son imaginaire et le retranscrit en proposant des mouvements individuels et collectifs. Il cherche à organiser les actes de tous dans un ensemble cohérent, tout en suggérant des propositions en lien avec le thème ou l’effet choisi. Il devient créateur, mais dans une relation étroite avec le groupe d’élèves-danseurs, restant à l’écoute des idées de chacun, utilisant et acceptant la diversité des propositions. Il s’inscrit dans une création collective, dispose d’une place légitime au sein du groupe, en apportant « sa différence », comme les autres. Ainsi, même s’il se trouve dans l’incapacité de se mouvoir lui-même, il reste un acteur essentiel dans la création collective.

 

Points de vigilance et propositions d’activités pédagogiques

Proposer une activité de danse à un élève souffrant de maladie chronique est une réponse riche et créatrice d’espace de liberté et de partage. Le professeur doit malgré tout être particulièrement attentif à l’importante place du corps dans cette activité et garder à l’esprit la prégnance des conséquences physiques de la maladie chronique sur les activités. Les enseignants peuvent selon les situations et les besoins se référer aux recommandations du Projet d’Accueil Individualisé (PAI) ou du Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS) ou s’adresser au médecin ou à l’infirmière de l’Education nationale. Il peut aussi exister des répercussions sur l’apparence extérieure, changeant alors la relation du jeune avec son propre corps. À l’adolescence en particulier, le corps dispose d’une place et d’une importance particulières et les atteintes, faiblesses ou entraves conséquentes de la maladie ont des répercussions sur la vie psychologique et affective du jeune. La mise en danse doit donc se réaliser lentement, sans précipitation. Elle demande l’acceptation pleine et entière de l’élève et ne doit pas être contrainte.

La danse étant aussi un espace d’expression, l’élève malade peut se trouver en difficulté et dans l’incapacité de réaliser une transposition nécessaire pour « donner à voir » autre chose que lui- même. Son expérience, ses émotions et les répercussions psychologiques de sa maladie, trop présentes, peuvent l’empêcher de prendre une distance nécessaire. Des propositions ne nécessitant pas un investissement personnel important sont alors à privilégier par l’enseignant. La danse implique une relation à l’autre, avec aussi la création d’un espace de séduction. L’enseignant doit garder une vigilance particulière avec des élèves adolescents, cette activité pouvant être un rappel des conséquences de la maladie, entraves éventuelles d’une relation amoureuse.

La découverte d’œuvres chorégraphiques variées et proches des élèves (par la présentation de spectacles de danse), peut permettre à l’élève malade d’enrichir sa propre expression gestuelle, de s’approprier une diversité de langages corporels. Cela peut aussi l’aider à comprendre le rôle expressif  de la danse et à en mesurer la proximité avec certains de ses propres modes d’expression corporelle : même néophyte, l’élève peut danser, partager ou exprimer des émotions ou encore créer une chorégraphie de qualité. Ainsi, le professeur pourra proposer une diversité d’œuvres, et en particulier celles réalisées par des danseurs malades, qui elles aussi s’inscrivent dans la création chorégraphique commune. Ce peut être aussi l’occasion de montrer que la diversité des courants et des origines géographiques font de la danse une expression à multiples facettes, dans laquelle chacun peut puiser pour nourrir son inspiration créatrice.

Les danses traditionnelles, structurées et collectives, peuvent proposer une bonne introduction aux activités de danse. Ces danses ont toujours eu un rôle social, mais aussi festif, soulignant des moments importants pour la communauté. Grâce à un cadre clair et rassurant, sans nécessité de créer son propre langage, l’élève souffrant de maladie chronique ne se trouve pas trop exposé et peut s’inscrire dans l’activité commune sans risque. C’est alors l’occasion de danser à deux ou à plusieurs (puisque ces danses se conçoivent collectivement). C’est enfin un moment pour s’approprier une culture, le passé d’un peuple, un patrimoine et ne pas s’en sentir exclu. L’élève malade peut se trouver en difficulté avec la vitesse d’exécution et le professeur sera soucieux qu’il puisse réaliser les pas sans risque.

Lorsque l’élève malade n’a pas suivi une scolarité continue, et en particulier n’a pas disposé de séances d’histoire des arts, l’enseignant peut aussi proposer un temps de découverte de l’histoire de la danse, son évolution actuelle et son inscription dans les arts vivants. De plus, si l’évolution de sa maladie n’a pas permis à l’élève de rendre à des spectacles, ou qu’il a été souvent hospitalisé, il n’a généralement  pas eu l’occasion de découvrir des danses (à l’hôpital, l’espace permet la visite de clowns, de poètes ou de musiciens, rarement de disposer de place pour des danseurs). Lorsqu’on ne peut pas se déplacer dans une salle de spectacle, le recours aux films, vidéos est un moyen d’en faciliter l’accès et ainsi l’élève pourra les analyser finement pour s’en approprier la richesse et la diversité.

Une imprégnation dans le mode chorégraphique peut permettre à l’élève souffrant de maladie chronique de s’ouvrir à de nouveaux modes d’expression. L’enseignant peut aussi proposer un projet de découverte de la danse dans un tour du monde. Les approches culturelles différentes selon les pays seront source d’inspiration. Face à des modes d’expression variés et riches, l’élève malade pourra enrichir son répertoire gestuel et choisir, en fonction de ses possibilités motrices, les mouvements qui lui conviennent.

 

Quand l'élève est accompagné par un AESH (Accompagnant d'Elève en Situation de Handicap), la collaboration avec celui ou celle-ci permet d'aménager au mieux les situations d'apprentissage dans leur diversité (en classe et en sortie scolaire).

 

Récapitulatif des éléments principaux

Les multiples activités en danse réalisées à l’école doivent être proposées à l’élève souffrant de maladie chronique, car elles lui offrent un espace privilégié d’expression personnelle. Mais le professeur doit rester attentif à sa possible fatigabilité, à son histoire singulière qui peut avoir comme conséquence une sensibilité fragile, exacerbée. C’est aussi un moment collectif qui lui permet de créer avec les autres élèves et ne pas se sentir mis à l’écart.

21/06/2017

 

Circulaire n° 2017-084 du 3-5-2017: Missions et activités des personnels chargés de l'accompagnement des élèves en situation de handicap

Portail interministériel de l’éducation artistique et culturelle, Danse

Ressources pour la danse sur le site Eduscol

Data-danse est un outil numérique interactif créé pour guider le spectateur, de 8 à 99 ans, dans sa découverte de la danse, présenté sur le site Eduscol

Vidéothèque internationale de danse en ligne

Ciné-ma différence : association à but non lucratif ayant pour objet de favoriser l'accès aux loisirs et à la culture des personnes en situation de handicap, par le biais du cinéma ou par tout autre biais, domaine ou moyen de culture ou de loisirs.

 

 

Enquête et partage