Dans la continuité de notre réflexion sur les apports du numérique  à la scolarisation des élèves présentant une maladie chronique invalidante (Voir la fiche Ressources numériques), cette fiche se propose de se focaliser sur la nécessité de maintenir les liens entre les jeunes empêchés de se rendre en classe et leur environnement de classe ordinaire. La situation d’isolement générée par la maladie, l’incertitude sur l’évolution de l’état de santé et sur la durée de l’absence ont des conséquences négatives sur le moral du jeune apprenant et sur sa capacité à faire front. La mise en place d’une solution de communication instantanée avec sa classe à l’aide d’un robot de téléprésence est une modalité répondant aux besoins particuliers qui en  découlent et méritant d’être développée.

 

Le quotidien de l’enfant ou l’adolescent malade

 

Lorsque la maladie prend le pas sur la vie quotidienne de l’élève, celui-ci se trouve forcé de s’absenter de son établissement scolaire au cours de périodes plus ou moins longues, que ce soit pour des soins dans des établissements sanitaires ou pour des temps de convalescence à son domicile. A l’hôpital, le jeune malade est isolé, coupé, éloigné de sa famille et de ses proches, mais aussi de ses camarades et de son environnement scolaire. Chez lui, il demeure éloigné de sa classe. 

L’interruption brutale de la vie ordinaire est une des conséquences de la maladie. Les absences qu’elle entraîne font que le jeune malade n’aura vécu qu’une partie de ses activités quotidiennes habituelles. Il va ainsi lui manquer des « instants de vie » que ses proches auront vécu sans lui, que ce soit du point de vue scolaire que des points de vue familial ou amical. Ainsi lorsqu’il revient à l’école, il n’a pas le même passé que ses camarades, n’a pas profité et partagé les mêmes moments de classe ni les mêmes expériences.

Compte tenu de la diversité des maladies, de la variété de leurs répercussions et des soins prodigués à chacun, la durée d’absence de l’élève malade est imprévisible, de même que le nombre de ses périodes d’absence. Le jeune et sa famille vivent ainsi dans un monde d’incertitude, de doutes et d’inconnu qui génèrent de l’angoisse. 

Une autre conséquence de la maladie chronique invalidante est la prégnance des soins qui placent le jeune malade dans une situation de dépendance vis-à-vis des répercussions de la maladie et des personnels soignants. Le jeune peut perdre son initiative et son envie d’agir ; il peut se laisser porter par les équipes médicales qui se chargent des soins qui lui sont nécessaires, par les adultes qui décident pour lui de ce qui lui est bénéfique. Perdant son statut d’élève pour prendre celui de patient, il peut avoir tendance à « laisser faire » et devenir passif.

Il apparaît donc essentiel de mettre en place des modalités donnant au jeune malade la possibilité de retrouver une posture d’élève acteur et de conserver des liens avec son environnement ordinaire. Pour y parvenir, outre la présence d’enseignants à l’hôpital ou au Sapad, les actions permettant la communication avec ses camarades, le maintien de relations avec son/ses professeurs mais aussi le partage du quotidien pour faire toujours partie de sa classe même à distance, sont autant de buts à viser.

 

Maintenir ou restaurer la communication

 

Afin de répondre aux différents besoins énoncés précédemment, il paraît indispensable de mettre en place des outils proposant une communication aux modalités variées pour permettre au jeune de communiquer à distance avec son entourage. Le numérique met à notre disposition aujourd’hui des outils rendant quasi immédiats les échanges à distance, sous réserve de disposer d’un smartphone, d’une tablette ou d’un ordinateur. L’internet offre des outils variés de communication (chat, messagerie, réseaux sociaux...) avec lesquels les jeunes communiquent de façon informelle mais régulière. À côté de ces outils tout public, la communication avec sa propre classe, ses camarades et ses professeurs est d’un autre ordre. En effet, le canal de communication dans un cadre d’enseignement doit transmettre des contenus pédagogiques, se structurer dans un cadre réglementaire clair et répondre à des objectifs didactiques, ce qui nécessite une organisation détaillée et anticipée. Ainsi, entre autres, la sécurité des données personnelles et les droits d’auteurs sont des critères à prendre en compte.

 

 

Les ressources numériques pour communiquer

 

Des ressources statiques et des communications décalées

 

Il existe pour les collégiens et les lycéens des espaces numériques de travail (ENT) dans lesquels les élèves malades peuvent trouver les devoirs, cours ou calendriers de travaux déposés par leurs professeurs, ce qui leur permet de disposer des mêmes documents que leurs camarades, quel que soit l’endroit où ils se trouvent (chez eux, dans un service de soins, à l’hôpital). De même, les documents et consignes/corrections/cours envoyés par courriels peuvent leur donner la possibilité de suivre les contenus travaillés lors de leurs absences.

La caractéristique principale de la majorité des outils de communication existants est qu’ils ne permettent pas au jeune absent de participer conjointement aux activités de ses camarades. Les communications se font en décalage des activités, les échanges en dehors des temps scolaires. Du côté de sa classe, même si les échanges peuvent être nombreux, l’élève est physiquement absent du groupe et sa participation aux différents travaux collectifs quasi inexistante. Lorsqu’un temps de communication direct pendant le temps scolaire est mis en place, par exemple par un système de visioconférence, ce qui est rarement le cas, le jeune malade n’a qu’une vision réduite, unique et statique de la classe et n’a pas de possibilité de la modifier.

 

Les robots de téléprésence 

 

Le terme de téléprésence correspond à des techniques qui donnent à une personne l’impression d’être présente dans un lieu où elle ne se trouve pas physiquement. La communication est immédiate et simultanée. La téléprésence propose a minima un retour sonore et visuel, l’utilisateur étant au centre du visuel et ce qui est vu étant sous son contrôle. Dans le cadre de systèmes fixes, pour des réunions d’entreprises par exemple, l’utilisateur dispose d’une vision immersive, grâce à un ensemble de caméras, mais son action est limitée. Le développement des robots a permis d’offrir un plus : la possibilité de se déplacer dans l’environnement distant et d’avoir une action sur celui-ci (manipuler un objet par exemple). La présence d’un objet physique qui représente ou agit pour la personne absente rend sa présence plus palpable. Les robots de téléprésence disposent généralement d’un écran avec des caméras, d’un système de son, de roulettes et de capteurs pour leurs déplacements. Ils sont connectés à un ordinateur, une tablette ou un smartphone via un logiciel ou une application téléchargeable qui permet de les piloter à distance. Selon les contextes et les utilisations, les robots peuvent être programmés pour réaliser certaines tâches que l’utilisateur pourra activer à sa convenance.

Dans le secteur de la santé et la vie sociale s’est développé un marché de robots à destination de personnes âgées dont l’objectif principal est de compenser la solitude et de surveiller l’état de santé. Ces robots de téléprésence aux formes plus ou moins humanoïdes peuvent par exemple mémoriser les prises de médicaments et en rappeler l’heure de la prise, permettre de communiquer par visioconférence avec ses proches, appeler un service de soins si nécessaire ou joindre en urgence un centre médical, etc… Utilisés dans certains établissements de soins, ils sont aussi achetés par des particuliers et installés au domicile des personnes. Dans le secteur industriel, certaines sociétés utilisent des robots pour organiser leurs réunions entre leurs membres situés à de grandes distances géographiques. Les robots donnent en effet plus de souplesse aux participants qu’une salle de visioconférence où chacun doit se rendre. Leur forme humanoïde et leur mobilité ainsi que leur réactivité rendent les personnes plus “présentes” et les réunions plus interactives.

La loi 2005-102 du 11 février 2005 prône l’obligation scolaire de tous les enfants quel que soit l’endroit où ils se trouvent. Tous les élèves malades absents de leur établissement scolaire, pour des durées incertaines mais parfois relativement longues, se voient donc proposer différentes modalités d’accompagnement de leur scolarité, que ce soit par la présence d’enseignants ou par des modalités de cours à distance (CNED). Cependant ces compensations ne remplacent pas l’environnement ordinaire du jeune, et encore moins ses copains de classe. Comme une des particularités de la maladie, comme nous l’avons vu plus haut, est de générer de l’isolement, la question de la conservation du lien social reste un problème prégnant dans la majorité des situations d’empêchement. Les robots de téléprésence semblent ainsi un outil intéressant pour répondre à ce besoin.

 

Un environnement communiquant

 

À côté des robots de téléprésence et des multiples ressources disponibles pour permettre aux jeunes malades de communiquer avec leur classe et leurs pairs, d’autres pistes ont été développées, s’appuyant sur des caméras, des tablettes et/ou des ordinateurs (cette fiche en présentera une succinctement). Comme les outils numériques évoluent vite et que les contextes sont très divers, il peut être nécessaire parfois de réfléchir à des modalités mixtes et souples qui tiennent compte des situations individuelles de chaque jeune. 
 

Un dispositif à organiser et à anticiper

 

Des aspects humains et matériels

 

Proposer un dispositif avec un robot de téléprésence pour compenser l’absence physique d’un jeune dans son établissement scolaire ne se met pas en place du jour au lendemain. En effet, le protocole implique que le robot soit dans la salle de classe, donc que ce qui s’y déroule soit vu par d’autres personnes que les élèves (les proches du jeune malade par exemple). Cela veut aussi dire que les camarades et les professeurs concernés peuvent être en mesure de voir l’élève soit à son domicile soit dans sa chambre d’hôpital. Des deux côtés, il y a une forme d’intrusion dans l’intimité, soit familiale, soit scolaire. Il est donc essentiel que toutes les personnes concernées disposent de toutes les informations souhaitées, qu’elles soient accompagnées et surtout, qu’elles soient d’accord pour la mise en place de ce dispositif. Bien sûr, l’accès au réseau doit être possible aussi bien au domicile du jeune, à l’hôpital et dans l’espace scolaire. De plus, l’organisation générale de l’établissement scolaire doit être adaptée (horaires, salles accessibles, connexion suffisante, …), ce qui implique un travail auprès des équipes dirigeante et administrative. Il est aussi nécessaire d’anticiper les problèmes techniques et matériels (prise en main du robot, installation dans les deux environnements, gestion du fonctionnement, accompagnement technique et résolution des problèmes rapidement. Compte tenu de la relative nouveauté de ces dispositifs et de leur nombre restreint, il apparaît que la « mise en route » peut être longue. Ces expériences gagneront certainement en fluidité lorsqu’elles seront plus fréquentes. Les équipes qui ont suivi les expérimentations dont les éléments sont présentés ensuite ont conçu des outils disponibles en ligne pour aider à la mise en œuvre de nouvelles expériences.
 

Des caractéristiques techniques à prendre en compte

La question du choix du robot peut se poser. En effet, même si parfois, le robot est déjà présent dans le service de l’hôpital, dans le Sapad, il est important de s’interroger sur les caractéristiques de ceux qui sont sur le marché. Ainsi, alors que les entreprises cherchent à perfectionner leurs robots et poursuivent leur développement, différents points méritent d’être étudiés plus précisément, comme le mode de transmission et la sécurité des données, l’autonomie et la durée du chargement, le poids et les dimensions, les modalités de déplacement et la réactivité aux obstacles, la qualité des images et du son, la prise en main et la simplicité du pilotage, et enfin le coût du dispositif. Selon les situations et les contextes, certaines caractéristiques sont privilégiées (la qualité du son, les capteurs d’obstacle …) Les expériences déjà réalisées ont ainsi déjà permis de faire évoluer les robots utilisés.
 

Des pratiques pédagogiques amenées à évoluer

Un dispositif avec un robot de téléprésence peut être mise en place sans que l’organisation pédagogique de l’enseignant change. Cependant, les caractéristiques d’un tel système méritent d’être interrogées par le pédagogue, surtout si l’enseignant souhaite que l’élève malade interagisse plus avec ses pairs malgré la distance. Cela pourrait impliquer alors véritablement un changement de posture, nécessitant de nouvelles pratiques pédagogiques qui sont à construire. La participation à distance suppose en effet d’anticiper le déroulement de la séance : choisir les activités en tenant compte du type de communication, prévoir l’organisation matérielle et la mise à disposition à distance de documents adaptés, penser les contenus proposés, réfléchir aux interactions possibles, ne pas oublier que l’état de santé de l’élève malade peut chambouler l’organisation prévue ou empêcher le jeune de participer … Une réflexion est sans doute à initier et des outils pédagogiques sont peut-être à construire pour aider les enseignants à prendre en compte véritablement dans leur pratique professionnelle la situation de téléprésence et les particularités du robot.

 

Des apports essentiels

 

Ce qui apparaît très nettement dans toutes les situations de mise en place d’un robot de téléprésence est qu’il permet la conservation du lien social. Quelles que soient les difficultés de la mise en œuvre du dispositif, le robot permet au jeune malade d’échanger avec ses camarades, de vivre à distance les mêmes activités d’apprentissage, d’avoir sa place dans la classe et d’être toujours présent dans l’esprit des autres élèves et de ses professeurs. La communication simultanée permet ainsi de maintenir une scolarité quasi normale, malgré l’éloignement, ce qui a aussi des conséquences bénéfiques sur l’évolution de la santé, le jeune reprenant son statut d’élève.

 

La présence du robot modifie aussi la posture du jeune : au lieu d’être uniquement un objet dépendant des soins qu’il reçoit et qui le rendent passif, il redevient acteur en pilotant le robot et en lui faisant faire ce qu’il désire. Il est ainsi en mesure d’avoir du pouvoir sur son environnement, ce qui est bénéfique tant sur son moral que sur ses apprentissages.

Contrairement aux inquiétudes exprimées au début par les familles (peur que la maladie soit mise au premier plan,  que l’enfant soit montré du doigt, que le dispositif engendre des émotions négatives envers lui…), l’intérêt suscité par le côté innovant et technique du robot et la présence de celui-ci en classe ont pour conséquences de générer de l’empathie auprès des élèves et des équipes, de responsabiliser les premiers et de faire évoluer le regard de tous sur la maladie.

 

Quelques exemples d’actions

 

Région Rhône expérimente le « robot lycéen »

 

Entre septembre 2014 et décembre 2016, le Conseil régional Auvergne Rhône-Alpes a conduit un projet d’expérimentation de robots de téléprésence (robots QB et Beam+), mis à disposition dans trois lycées et deux structures médico-scolaires pour des élèves empêchés de se rendre dans leur établissement. Quatorze lycéens ont expérimenté la possibilité d’assister à distance en temps réel à leurs cours, de participer aux échanges en étant vus et entendus de leurs camarades et professeurs. Grâce à la mobilité des robots, ils ont également pu les déplacer dans les couloirs et salles de classe, partageant ainsi les temps informels d’interclasse avec leurs pairs. Compte tenu de l’innovation technologique que représentent les robots de téléprésence, les objectifs de l’expérimentation étaient triples. Tester tout d’abord l’usage des robots de téléprésence et en analyser les apports. Répondre d’autre part au besoin d’accompagnement des élèves provisoirement empêchés de suivre leurs cours. Et enfin, impulser et soutenir le développement économique d’une filière innovante. Deux équipes de chercheurs, de l’IFÉ-ENS et de l’université Lumière de Lyon 2, ont suivi et analysé ce projet, tant sur la question des usages développés que sur celle de l’activité d’enseignement-apprentissage avec des robots de téléprésence. Les principales conclusions de cette expérimentation concernent tout d’abord les conditions d’implantation du projet selon les établissements. Les conditions matérielles et sociales des lycées, la perception initiale des professeurs vis-à-vis de l’expérimentation et les choix d’organisation ont montré des niveaux d’utilisation très variés d’une structure à l’autre, compte tenu aussi du caractère imprévisible et aléatoire des besoins des élèves concernés. Certaines équipes pédagogiques ont ainsi été particulièrement dynamiques, générant peu à peu des compétences avérées de mise en place rapide du système de téléprésence. D’autres ont connu des problèmes techniques ou n’ont pas eu beaucoup d’élèves dont le besoin répondait à ce projet. Le second résultat concerne les élèves : utilisés par des jeunes aux profils socio-scolaires variés, les robots ont permis de suivre des sessions de 5 à 80 heures d’utilisation, sur des périodes d’une semaine à 3 mois. La majorité des situations ont correspondu à des convalescences suite à une maladie ou un accident, peu à une situation de maladie chronique. Des disciplines variées ont été suivies, mais quasiment pas d’expérimentales, ce que professeurs et élèves ont regretté, en raison de l’impossibilité de manipuler avec le robot, de la qualité insuffisante des caméras et des problèmes de connexion dans les salles concernées. De même, la participation a principalement pris la forme d’écoute et d’observation du professeur, peu de situations de travaux de groupe ont été vécues. La prise en main du robot a été aisée, tant par les lycéens que par les enseignants. Réponse pertinente pour des convalescences à domicile, son utilisation a été moins simple lors de situations d’hospitalisation, l’articulation entre les temps de soins et les horaires des cours et le contexte sonore étant les deux principales difficultés relevées. Du côté des enseignants, la présence d’un robot lycéen ne les a pas dérangés, leurs cours se déroulant normalement, sans qu’ils remettent en cause son fonctionnement habituel. De même, au niveau du lycée, après avoir dépassé les impacts organisationnels liés aux contraintes techniques, le fonctionnement habituel de l’établissement n’a pas été modifié. Les conclusions de cette expérimentation montrent un très fort niveau de satisfaction des différents acteurs, les bénéfices étant jugés bien supérieurs aux difficultés rencontrées : la continuité des apprentissages, le maintien du contact avec les enseignants et les camarades, le soutien moral motivant, l’impact positif sur la solidarité entre élèves et sur le climat de classe. La présence tangible du robot se déplaçant avec les élèves a rendu plus présent l’élève absent, même si le robot ne pouvait remplacer une présence humaine véritable. Afin d’asseoir cette expérience et la multiplier, les équipes qui l’ont suivie ont créé un tutoriel en ligne à destination des futures équipes accueillant un robot de téléprésence dans leur environnement scolaire.
 

Dans les Landes

Le département Réseaux et Télécom de l’IUT des Pays de l’Adour (Mont de Marsan) développe dans le cadre de ses formation une activité autour de l’utilisation de robots de téléprésence, dans laquelle il mène différentes expérimentations. L’une d’elles, en partenariat entre autres avec le Conseil général et le Sapad des Landes, permet de mettre à disposition du Service d’Assistance Pédagogique À Domicile depuis 2015 plusieurs robots de téléprésence. Depuis les années 2010, grâce au Conseil général et à l’Agence landaise pour l’informatique (Alpi), le Sapad 40 propose aux élèves de niveau primaire une plateforme de visioconférences, mais cette solution pose des problèmes au collège ou au lycée. Ainsi, il a été décidé d’expérimenter le robot de téléprésence auprès de collégiens ou lycéens landais empêchés de se rendre en classe. L’expérimentation, suivie et analysée en particulier par Laurent Gallon, enseignant-chercheur de l’université de Pau et des Pays de l’Adour, a permis de dégager certains résultats qui rejoignent ceux des équipes de Lyon. Ainsi, les bénéfices de cette solution sont largement mis en avant : la présence du robot dans la classe rend l’élève malade présent aussi, générant de l’empathie de la part des autres élèves et amenant les professeurs à se comporter rapidement avec le robot comme avec un élève ordinaire. L’impact du robot sur le lien social est évident, même si les études ne permettent pas de mesurer sa part dans la mise au travail des élèves sur leurs apprentissages, compte tenu du nombre trop réduit d’élèves ayant profité de ce système. De la même façon, les points de vigilance se confirment : la mise en place de la solution de téléprésence doit être préparée, expliquée, accompagnée, que ce soit vis-à-vis de l’élève et de sa famille que du côté des équipes enseignantes et administratives, les élèves des classes acceptant et prenant en charge spontanément et facilement le robot. Ainsi, un protocole de mise en place de la solution doit être clairement énoncé et bien accepté de tous, les membres de l’équipe encadrant l’expérimentation bien repérés. Le robot, majoritairement bien accepté par les élèves des classes concernées, doit l’être aussi par toutes les personnes mobilisées. Les aspects techniques et organisationnels doivent être anticipés, des aides à la résolution des problèmes prévues. Dans ses conclusions, l’équipe de chercheurs indique la nécessité de faire évoluer les caractéristiques techniques des robots (son, image, réactivité) et exprime également le souhait d’étudier plus précisément l’impact du robot sur les apprentissages des élèves malades et d’explorer les multiples pistes pédagogiques offertes par la présence de cette ressource innovante.
 

Nao à l’hôpital de Lille

Dans les services pédiatriques des hôpitaux, de nombreuses associations se mobilisent pour alléger le quotidien des jeunes hospitalisés. Parmi leurs actions, certaines font des dons de matériels divers qui peuvent être utilisés dans les unités d’enseignement. D’autres proposent de participer à des projets et offrent à cette occasion des ressources innovantes. C’est le cas du projet Avatar Kids, porté par l’hôpital pédiatrique universitaire de Bâle et qui a convié le service oncologie pédiatrique de l’hôpital privé centre Oscar Lambret de Lille à s’y inscrire. Répondant favorablement à cette proposition, le service hospitalier a été destinataire d’un robot Nao, destiné à être utilisé comme robot de téléprésence. Ce robot humanoïde a ainsi pu être le support d’une communication entre une jeune fille de niveau scolaire primaire dont l’hospitalisation était programmée et sa classe. Complété d’un téléphone portable et de deux tablettes, tous trois équipés de l’application Avatar kids, Nao était support de communication entre l’école et l’hôpital. Le robot était assis sur un meuble dans la classe de l’école pour de ne pas gêner les autres élèves mais dirigé vers eux pour que la jeune malade puisse les voir. Contrairement aux expériences précédemment citées, le protocole ne prévoyait pas d’utiliser les possibilités de déplacement de Nao (trop complexes à programmer), seuls la tête et les bras du robot étaient pilotés. Dans sa chambre, la jeune élève pouvait piloter les mouvements du robot et s’exprimer à l’aide de sa synthèse vocale, avec sa tablette. L’expérience a été bénéfique pour tous les participants, et tout d’abord pour l’élève hospitalisée. La possibilité de « sortir de sa chambre » grâce au dispositif, de partager des séances scolaires avec sa classe, d’échanger de manière informelle avec ses camarades et de converser avec son enseignante ont été des éléments très motivants et porteurs pour poursuivre ses apprentissages. Ses parents étaient heureux de voir leur fille poursuivre sa scolarité, la situation de classe portée par le robot dédramatisant un peu la maladie. Les élèves de la classe étaient ravis et fiers de la présence du robot, de pouvoir parler avec leur camarade, mais très mécontents quand des problèmes techniques empêchaient le système de fonctionner. Cela a été pour eux aussi l’occasion de parler de la maladie et d’exprimer leurs inquiétudes. Même si le dispositif, comme dans les situations présentées précédemment dans cette fiche, demandait d’anticiper le plus possible sur les aspects techniques et humains, il est important de mettre en avant le travail privilégié qui a été réalisé à cette occasion entre l’enseignante de l’hôpital et celle de la classe ordinaire de l’élève. Outre les échanges nombreux entre les deux enseignantes, celle de la classe ordinaire a fourni avec l’aide de sa collègue un gros travail d’aménagement de sa pratique pédagogique, tenant compte de la situation de santé fragile de son élève et des caractéristiques du mode de communication. Par exemple,  l’élève hospitalisée a pu participer à des travaux de groupe avec sa classe. Il est aussi intéressant de souligner que l’élève absente a montré son plaisir à garder avec son professeur des liens quotidiens et que l’expérience a permis à l’enseignante de suivre les progrès scolaires de la jeune fille. Même s’il semble utile d’améliorer les compétences techniques du robot pour mieux répondre aux besoins de cette situation particulière, nous pouvons noter que l’objectif essentiel de conservation du lien social a été atteint. 
 

Mon cartable connecté

À côté des robots de téléprésence, des protocoles sont expérimentés pour d’augmenter les modalités de communication entre les jeunes malades et leurs structures scolaires. Né de la volonté de réduire l’isolement des jeunes hospitalisés, de refuser toute forme de discrimination et de faire le pari du lien social créateur de sens, l’association Le Collectif a mis en place un dispositif dans le but de créer un lien entre l’école et l’hôpital pour des jeunes atteints de cancer. Testé dans cinq écoles des académies de Nice et de Versailles, le dispositif, proposé gratuitement et installé dans l’établissement scolaire et dans la chambre du jeune malade, a donné la possibilité aux élèves malades qui en ont bénéficié de suivre certains de leurs cours à distance. Composé pour la classe d’une petite valise transportant deux caméras (l’une fixe dirigée vers le tableau, l’autre de 360° en direction de la classe), un micro Bluetooth pour le professeur, un routeur 4G et une tablette, et pour l’élève empêché d’une tablette sur laquelle le jeune voit sa classe et le tableau, pilote à distance la caméra dirigée vers ses camarades et reçoit les documents envoyés par son professeur, et d’un casque avec micro lui permettant d’intervenir en classe, le dispositif a montré l’intérêt pour ces jeunes isolés de conserver des liens avec leurs camarades et leur professeur, et son impact aussi sur l’évolution positive des états de santé des élèves. À ce jour encore en phase d’expérimentation et de développement, Mon cartable connecté fait partie des expériences innovantes développées pour réduire l’isolement des jeunes malades.

 

Pour avoir plus d'informations concernant tous ces projets, voir le lien proposé dans la colonne de droite de cette fiche, vers la sitographie : "Communication numérique et robots de téléprésence à l'école"

 

Points de vigilance

- Prendre en compte les demandes et les choix des familles et des jeunes

- Préparer les personnes, les accompagner et mettre en place une équipe dédiée au dispositif

- Prévoir les aides nécessaires pour résoudre les problèmes techniques, afin d’éviter toute rupture dans le déroulement du dispositif

- Anticiper le plus possible et mettre en place des protocoles et des tutoriels clairs afin de pouvoir très rapidement proposer à la famille et au jeune cette solution lorsque le besoin se présente

- Disposer, si possible, dans le secteur/département/la ville d’un support logistique, technique et humain qui peut être activé rapidement et qui peut accompagner le déroulement du dispositif

 

Pour conclure 

 

Des dispositifs de communication entre un élève empêché et sa classe s’appuyant sur un robot de téléprésence ont été testés dans quelques établissements scolaires des premiers et seconds degrés et de l’enseignement supérieur (Université de Laval, Quebec). Plus particulièrement utiles pour des élèves du secondaire ou de l’université car permettant grâce à la mobilité des robots de répondre aux changements de salles de cours, ils ont permis aux élèves absents de continuer à suivre les cours de leur classe, à échanger avec leurs camarades et leurs professeurs et à apprendre. Les expériences pratiquées ont montré qu’elles répondaient au besoin du jeune malade de conserver une place au sein de sa classe et de garder un statut d’élève. Cependant, il paraît intéressant de faire évoluer les caractéristiques techniques des robots pour élargir les possibilités d’action à distances des élèves malades. Il pourrait aussi être intéressant de réfléchir aux pratiques pédagogiques qu’un tel système peut générer. Le robot permet au jeune d’être « présent-à distance » dans son établissement scolaire, de maintenir des liens amicaux et d’apprentissage. Même si la mise en place d’un tel système nécessite la prise en compte des souhaits des familles, un accompagnement humain et technique de proximité, une anticipation et une réactivité des équipes, il permet de faire évoluer le regard de tous sur la maladie et ses conséquences. Il semblerait cependant utile de multiplier ces expériences pour en confirmer les bénéfices, même s’il est important de ne pas mettre de côté d’autres formes de téléprésence utilisant d’autres supports de communication.

16/03/21

 

Des robots de téléprésence pour permettre aux collégiens empêchés de suivre les cours : film du département des Hauts de Seine (2'54)

 

Usage d'un robot de téléprésence en tant que technologie inclusive : quels enjeux pour l'enseignement traditionnel ? Thèse de D. Furnon Université Lumière Lyon 2

Le Plan d’Accompagnement Personnalisé

Circulaire n° 2015-016 du 22 janvier 2015 (BOEN n°5 du 29-01-2015)

Annuaire MDPH

Circulaire n° 2015-129 du 21-8-2015 : Unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis), dispositifs pour la scolarisation des élèves en situation de handicap dans le premier et le second degrés.

Création et organisation d'unités d'enseignement dans les établissements et services médico-sociaux ou de santé : arrêté du 2-4-2009 - J.O. du 8-4-2009

Circulaire n° 2017-084 du 3-5-2017 : Missions et activités des personnels chargés de l'accompagnement des élèves en situation de handicap.

ORNA L'Observatoire national des ressources numériques adaptées recense des ressources numériques utilisables par des professeurs non spécialisés confrontés à la scolarisation d'élèves en situation de handicap (logiciels, applications tablettes, matériels, sites internet, cédéroms, DVD-Rom, bibliothèques numériques.

Vivre avec une maladie rare : aides et prestations pour les personnes atteintes de maladies rares et leurs proches (aidants familiaux/proches aidants) : Ce Cahier Orphanet est un document qui a pour objectif d’informer les malades atteints de maladies rares ainsi que leurs proches de leurs droits et de les guider dans le système de soins.

Guide pour scolariser les élèves en situation de handicap. Guide élaboré par le Ministère de l'Éducation nationale

D'autres informations peuvent être obtenues par le n° Azur de la ligne « Aide Handicap Ecole » au 08 10 55 55 00.

Loi du 11 février 2005 sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées

(voir en particulier l'Article 19)

Enquête et partage