Introduction

Même si les activités scolaires donnent l'occasion à l'enfant malade de redevenir élève en le sortant du carcan de la maladie, certaines modalités pédagogiques donnent un élan particulier. C'est notamment le cas des situations d'apprentissage s'inscrivant dans des projets pédagogiques.

Les répercussions des maladies sur la scolarisation peuvent entraîner des besoins éducatifs particuliers (BEP). Pour l'école, il s'agit en premier lieu de faciliter l'accès aux apprentissages pour les élèves, qu'ils soient, malades ou non, en mettant en œuvre des pratiques bénéfiques à tous. Mais pour certains jeunes malades, des aménagements spécifiques doivent être réalisés, concernant la vie scolaire et/ou les temps de classe. Il s’agit de leur permettre d'apprendre au mieux de leurs capacités, dans un contexte favorable et grâce à des adaptations pédagogiques individuelles ou au sein de petits groupes.

Démarche de projet
Concevoir des projets implique de mettre en œuvre une démarche continue qui comprend une mise en évidence et une analyse des besoins, une élaboration et une planification des tâches à réaliser, leur mise en œuvre aboutissant à une production, une évaluation. Articulant des dimensions d'intention, d'organisation et de réajustement inhérentes à tout projet, la pédagogie de projet, quant à elle, met l'élève au cœur de l'action, le confrontant à des obstacles et provoquant des situations d'apprentissage. Faisant partie d'un groupe, il décide avec les autres du déroulement, des modalités de mise en œuvre, de l'objectif à atteindre et de la répartition des tâches. Les aspects sociaux ont ici une place non négligeable tant au cours de la réalisation du projet que dans sa reconnaissance finale.
Dans ce cadre, la collaboration avec la famille est importante et peut constituer à la fois une aide précieuse et l'occasion pour celle-ci de découvrir de nouvelles potentialités de l'enfant.

 

Les enjeux du projet pour les élèves malades

Agir sur le temps
S'inscrire dans un projet permet de se projeter vers un futur plus ou moins lointain, ce qui implique de s'engager et de s'inscrire dans une temporalité différente de celle de la maladie.
Travailler dans le cadre d'un projet sous-entend planifier son déroulement : en effet, l'objectif poursuivi ne pourra être atteint sans respecter des étapes clairement énoncées et organisées. Un projet de construction d'une montgolfière, par exemple, nécessite de disposer d'une fiche technique avant de se poser la question du choix des matériaux et des moyens de les obtenir... Réaliser un projet demande du temps, prend du temps. La temporalité du projet se construit, s'affine, se structure, même si des réajustements peuvent faire varier la durée de chaque étape. Ainsi, même si l'élève malade s'absente, il ne perd pas pour autant le sens de l'action globale et se retrouve à son retour dans le déroulement pour s'y réinsérer. D'autres types de projets, comme la préparation d'une exposition dont la date est fixée donne aux élèves malades (et aux autres) la possibilité d'anticiper et d'organiser des actions dans un délai connu. Le temps devient repérable, palpable et crée un cadre dans lequel le projet s'élabore et se réalise. L'incertitude disparaît, le but/l'objet final attendu est connu et situé dans le temps.

Agir sur sa propre vie
Le projet permet aussi de « reprendre la main » sur sa vie et ses actions, car il ne se construit qu'au travers de choix. Ainsi, la réalisation d'un jardin aromatique suppose le choix de graines, la répartition réfléchie de celles-ci dans un espace, l'utilisation de terreau adapté, l'organisation de l'entretien du jardin, tous ces éléments faisant du jardin un espace unique. Mais toutes ces actions ne peuvent suffire pour s'assurer que toutes les plantes pousseront ! Certains projets obligent l'élève à accepter de se mettre dans une situation incertaine (en ce qui concerne le déroulement et le résultat du projet), donc de se mettre en risque, mais de son propre choix. Le déroulement d'une interview, pour rédiger un article du journal de la classe, peut ne pas se passer comme prévu et amener l'apprenti journaliste à modifier son action. Ainsi, l'élève malade, « objet » dans des mains médicales expertes, redevient personne qui agit et choisit.

Partager une action avec d'autres
Le projet a un aspect collectif remarquable : il ne se construit pas seul mais avec d'autres, en partageant des ressources et des contraintes, soit en décidant ensemble du chemin à parcourir pour atteindre le but choisi, soit en s'associant pour construire un « objet » commun. Ainsi, l'élève malade s'inscrit dans une activité collective qu'il partage avec ses pairs et n'est plus seul, isolé par sa maladie. L'organisation d'une kermesse et la tenue de stands impliquent par exemple un partage des tâches : la préparation des affiches publicitaires, l'installation des stands, la réalisation des activités proposées au public, l'accueil des visiteurs... Les ressources de chacun sont alors au service du projet commun, dans un esprit de complémentarité nécessaire à l'objectif poursuivi. De plus, le projet a un rôle social car le résultat concret sera montré, évalué, validé par d'autres. Le projet de construction de jeux électriques proposés lors de la kermesse, verra ainsi son succès et sera validé par le nombre de visiteurs venant jouer sur le stand. L'enfant malade sera alors un élève comme les autres qui aura contribué à cette réussite.

S'engager dans un cadre attractif
S'inscrire dans un projet permet de développer des compétences et d'acquérir des connaissances dans un espace pédagogique motivant : le thème choisi, le résultat attendu, les modalités collectives de réalisation, la nécessité de donner son avis et de se mettre d'accord, les actions nécessaires parfois concrètes ou différentes de l'ordinaire (sortir de l'école faire des courses, rencontrer des professionnels pour obtenir des informations, ...) sont autant d'éléments attractifs qui aident l'élève malade à se remettre en action, avec ses pairs. Un élève passionné d'astronomie sera attiré par la réalisation collective d'une modélisation de notre système solaire et se prêtera volontiers à la tâche d'en rassembler les caractéristiques, un autre élève intéressé par la mode acceptera de rechercher des modèles de costumes adaptés à la présentation de la pièce de théâtre projetée par la classe... La maladie, par les contraintes qu'elle impose conduit souvent à un déficit d'expérience. Les projets peuvent être l'occasion de découvrir des champs inexplorés.

Relier les apprentissages
Les projets impliquent parfois de rassembler des connaissances relevant de différents domaines, permettant de les relier entre elles et de leur donner du sens pour agir ensuite avec justesse. Ainsi, la fabrication d'un planétarium mobile demandera de travailler en mathématiques, en découverte du monde ou encore en histoire, la réalisation d'un jardin s'appuiera sur les sciences du vivant, mais aussi sur l'histoire des hommes et des outils, la physique et la chimie, une exposition de portraits mènera aux arts visuels et littéraires comme à l'arithmétique pour calculer l'argent nécessaire à la visite d'un musée... Le projet pluridisciplinaire est particulièrement adapté à l'élève malade. Il lui permet de mettre du sens sur les objectifs des apprentissages scolaires qui lui sont proposés en tissant des liens entre les enseignements dont il bénéficie et de vivre sa scolarité comme un espace structuré et compréhensible, malgré d'éventuelles périodes d'absence.

 

Place du professeur

L'enseignant qui propose un travail en projet prend une place plus ou moins grande dans l'action commune. Parfois, il accompagne la réflexion du groupe en proposant un espace de parole et de débats, parfois plus présent, il propose des modalités pédagogiques ajustées permettant la construction de nouveaux apprentissages nécessaires à l'avancée du projet. À tout instant, il s'assure que l'élève malade participe aux échanges (soit directement, soit à distance par messagerie électronique, par courrier postal, au domicile, à l'hôpital)) et qu'il construit avec les autres de nouveaux savoirs. Dans le cadre d'un défi technologique, il prévoit des temps d'apprentissages de notions de physique nécessaires pour répondre au problème posé (par exemple « Comment construire une machine qui parcourra la plus grande distance possible à l'aide d'une masse d'un kilogramme ? »). Plus tard, il initie un temps de débat qu'il anime et modère, pour que les élèves choisissent parmi toutes celles réalisées, quelle sera la machine qui défendra les « couleurs » de la classe. L'enseignant modifie son action selon les temps du projet et selon les obstacles rencontrés, mais aussi en tenant compte des besoins éducatifs particuliers de l'élève malade. Il s'assure que celui-ci a acquis les pré- requis nécessaires à l'abord de chaque situation d'apprentissage ; il veille à sa participation aux échanges dans les temps d'expression orale...Garant du cadre et facilitateur du déroulement, il propose, étaye et permet à tous d'aller jusqu'au bout du projet. Souvent des adaptations initialement prévues pour l'élève malade pourront se révéler tout à fait pertinentes pour des élèves en difficulté (rythme plus lent de la progression, répétitions concernant certains contenus d'enseignement...)

Quand l'élève bénéficie de l'accompagnement d'un AESH (Accompagnant d'Elève en Situation de Handicap), l'enseignant doit lui indiquer les modalités d'intervention à privilégier et lui demander ensuite ce qu'il a observé de la participation de l'élève aux activités.

 

Des formes de projets variées

Un projet sollicitant différents champs disciplinaires est à privilégier car il a l'avantage de mobiliser et mettre en avant les ressources de chacun et de créer des « ponts » entre les connaissances des élèves. Le projet peut aussi prendre une forme particulière où chaque élève réalise « sa part », indépendamment des autres, le tout formant un ensemble cohérent (galerie de tableaux, reportage pour le journal...) Cette forme est intéressante pour des groupes dont le nombre fluctue (à l'hôpital par exemple), amenant chaque élève à appartenir au groupe du projet, quelle que soit la durée de sa présence. Une entrée disciplinaire peut aussi être privilégiée, celle-ci n'excluant pas la possibilité d'un enrichissement ultérieur dans d'autres disciplines. Ainsi, un projet scientifique débouchant sur la réalisation de jeux électriques présentés lors d'une exposition pourra s'enrichir d'un axe littéraire ou historique. Le champ de la langue propose de nombreuses occasions de projets aux formes variées comme un carnet de voyage, une correspondance, un journal (papier et/ou numérique), un livre. Dans le domaine artistique, des projets de spectacles (théâtral, de danse, de mime, musical) ou d'expositions (picturale, sculpturale) peuvent se construire en lien avec l'expression orale ou écrite. La culture humaniste permet aussi de concilier ou de rassembler des domaines variés. Enfin, l'espace Internet peut aussi être au service de projets de communication comme un blog, un site, ou un outil de recherche documentaire. Cette grande variété de démarches et d'activités possibles, de leur organisation dans le temps et dans l'espace permet d'imaginer des réponses adaptées aux besoins de chaque élève malade.

 

Quelques points de vigilance

Proposer l'inscription de l'élève malade dans un projet nécessite d'être attentif à sa participation et à sa place dans le groupe. Ainsi, sa parole doit être présente et entendue (même s'il n'est pas là physiquement), il doit pouvoir avoir un rôle particulier si nécessaire, et participer le plus possible. L'étape finale, qui est souvent la concrétisation du projet doit lui être accessible (exposition, visite, test du véhicule construit...) s'il est présent. Dans le cas contraire, il faut qu'il dispose de moyens d'en profiter (photos, film, visioconférence...) Même absent physiquement, tout doit être mis en œuvre pour que l'élève malade conserve sa place dans le groupe jusqu'à la fin du projet.

 

Récapitulatif des mesures à privilégier

Penser la spécificité des besoins de l'élève malade comme une ressource pour la réalisation du projet
- Privilégier des thématiques attractives englobant plusieurs champs disciplinaires permettant à l'élève malade de s'y inscrire aisément
- S'assurer que l'élève malade conserve sa place dans l'action collective, même à distance, et participe en particulier à l'étape finale du projet
- Solliciter la famille lors du déroulement du projet

21/06/2017

Enquête et partage