Introduction

L’évaluation scolaire des élèves malades, tout au long de leur parcours, nécessite de tenir compte de leurs besoins particuliers. De manière générale, la perspective d’être évalués scolairement suscite chez eux de grandes inquiétudes (voir la fiche Évaluation et BEP : principes et démarches). C’est pourquoi il est nécessaire, autant que possible, quel que soit le contexte de scolarisation, de privilégier certaines démarches.  Dédramatiser les situations d’évaluation est essentiel, notamment par l’introduction d’une dimension gratuite, sans enjeu et ludique. Néanmoins, un décalage pouvant exister entre les capacités de l'élève et les exigences des programmes, il convient de positionner clairement l’élève par rapport à son niveau officiel afin de faciliter la continuité de son parcours en milieu ordinaire. Pour cela, tenir compte du rythme d’apprentissage de l’élève, qui peut évoluer en fonction de son état de santé, est indispensable si l’on veut évaluer les compétences de façon juste. De manière plus globale, il faut réfléchir en équipe pédagogique à la posture professionnelle des enseignants face à la double injonction de bienveillance et d’exigence à laquelle ils sont confrontés avec des élèves malades.

Une des difficultés majeures et fréquentes concerne l’évaluation de l’écrit et l’évaluation à l’écrit de ces élèves. La douleur, les traitements, les soins occasionnent une fatigabilité importante et il arrive aussi que, sur le plan moteur, le graphisme ou la frappe soit rendu(e) malaisé(e) ou impossible, par exemple du fait d’attelles, de corset, de perfusion, de cathéter etc.) L’écriture qu’elle soit manuscrite ou « tapuscrite » représente alors un effort coûteux, susceptible de détourner l’élève des objets et contenus de l’évaluation elle-même et de masquer ses véritables compétences. Il faut donc repenser les conditions de l’évaluation de l’élève atteint de maladie chronique aussi bien du point de vue du choix des compétences à évaluer que des modalités de leur évaluation.

Aussi, privilégier l’évaluation des compétences à l’oral ainsi que l’évaluation des autres compétences via l’oral semblent de bonnes pistes pour tenir compte des besoins particuliers des élèves.

On peut constater pourtant qu’à l’école française l’enseignement de l’oral et l’évaluation de l’oral restent encore assez peu pratiqués et sont souvent dévalorisés. La survalorisation de l’écrit, en tant que langage scolaire par excellence, explique en grande partie méconnaissance et malentendus à ce sujet. C’est encore souvent le cas chez les enseignants mais surtout auprès des familles et des élèves, ce qui conduit régulièrement à penser que si l’on n’a pas écrit à l’école, c’est que l’on n’a rien appris !

Par ailleurs, l’évaluation à l’oral reste considérée comme peu fiable car peu objective. Cette idée reçue sur l'évaluation orale résulte de ce qu'elle est souvent confondue avec le recours à la médiation orale de l’adulte, adulte qui « soufflerait les réponses » ou aiderait l’élève, notamment en substituant ses propres réponses aux siennes. Néanmoins, on remarque que lors des certifications ou diplômes, les épreuves orales se développent. En effet, au lycée et dans de nombreuses grandes écoles et universités les concours d’éloquence se multiplient.

 

L’importance d’évaluer les compétences orales pour les élèves malades (et les autres)

La place de l’oral dans l’évaluation scolaire

Au-delà même de la problématique des réponses adaptées à des élèves fatigables, souvent déscolarisés du fait de leur état de santé, il faut rappeler que, dans le cadre des enseignements obligatoires, l’enseignement de l’oral fait partie depuis longtemps des programmes officiels et représente une part importante des apprentissages, bien après l’école maternelle. Dans les nouveaux programmes et dans le socle de connaissances, de compétences et de culture, les compétences en langage oral se travaillent dans toutes les disciplines (y compris les disciplines scientifiques) et sont des outils utiles aux apprentissages dans toutes les matières. Ces compétences, quels que soient les cycles, font l’objet d’enseignements spécifiques, notamment en français et en langues étrangères (dès le cycle 2).

On peut s’étonner néanmoins que, dans les pratiques de classe, il reste un grand décalage entre la part donnée aux échanges oraux, celle donnée à l’enseignement de l’oral et celle accordée à l’évaluation par l’oral (évaluation de l’oral à l’oral mais aussi évaluation à l’oral de compétences diverses, en sciences, histoire etc.) Si les échanges restent courants (par exemple dans les rituels d’accueil) l’enseignement de l’oral proprement dit reste encore insuffisant. 

L’évaluation orale, quant à elle, souffre d’un déficit évident. Elle demeure en effet une modalité rare, y compris avec des élèves présentant des besoins particuliers. Pourtant les textes officiels récents l’encouragent (voir les programmes 2018 /2021).  Et, à cet égard, on peut noter l’introduction au Brevet des Collèges en 2018 d’une épreuve orale conséquente portant sur un projet mené en histoire des arts ou dans le cadre d'un EPI (Enseignement Pratique Interdisciplinaire) ou de l'un des parcours éducatifs. Il s’agit là d’évaluer -par l’oral- des compétences spécifiques de l’oral ainsi que des connaissances disciplinaires diverses.  Depuis 2020, pour le baccalauréat, l’épreuve du Grand Oral, montre à quel point l’Education nationale a pris conscience des enjeux de la maîtrise de la langue orale et de son évaluation… à l’oral !  « Apprendre à s’exprimer, argumenter, écouter, sont des compétences indispensables dans la vie professionnelle et personnelle. La mise en place du Grand Oral du baccalauréat dans les voies générales et technologiques - comme la présentation du chef-d’œuvre dans la voie professionnelle - donne une opportunité à tous les élèves de travailler la prise de parole. Ces compétences orales vont être travaillées tout au long de la scolarité et d’une manière plus poussée encore au dernier trimestre de la classe de terminale dans le cadre des cours d’enseignement de spécialité (12h). ». C’est ainsi que sont présentés les enjeux de cette épreuve nouvelle sur le site Eduscol. Il faut souligner que l’épreuve du Grand Oral est affectée d’un coefficient 10 (voire 14 en STMG), c'est à dire égal à celui de l'épreuve anticipée de français.

Quelques précisions sur les enjeux didactiques d’un enseignement structuré de l’oral

Les compétences à l’oral ne relèvent pas uniquement des compétences langagières et linguistiques. Être performant à l’oral convoque également le langage du corps et particulièrement des compétences physiques spécifiques (élocution, diction claire) voire techniques (parler dans un micro par exemple), compétences qui se travaillent parallèlement à la dimension linguistique.

Contrairement à ce l’on pense parfois, l’aisance dans des situations de la vie courante ou de la vie professionnelle mettant en jeu l’oral n’est pas « innée », elle s’apprend et se cultive. Par ailleurs, les compétences spécifiques de l’oral sont assimilées et réduites à la communication alors qu’elles participent pleinement à l’élaboration de la pensée et des connaissances. Elles constituent, à ce titre, un moyen d'apprendre. Certains genres de l'oral permettent de développer la conceptualisation, l’argumentation et l’esprit critique. En ce sens, comme l’écrit, l’usage de l’oral participe à la construction de soi.

L’enseignement renforcé de l’oral et l’évaluation via l’oral pour les élèves malades sont des modalités pédagogiques appropriées à leur situation

Outre la fatigabilité importante de la plupart des élèves et les empêchements moteurs ou sensoriels fréquents, des obstacles spécifiques variés et nombreux par rapport à l’apprentissage de l’écrit ou via l’écrit peuvent être soulignés. On peut citer par exemple la fatigue oculaire induite par la lecture ou l’écriture, par exemple pour des élèves présentant des dyspraxies visuo-spatiales. L’ensemble des troubles cognitifs, souvent associés aux maladies chroniques, comme les troubles mnésiques ou les troubles de l'attention, gênent l’exécution des tâches écrites. Plus spécifiquement par exemple, la perte du lire / écrire en cas de lésions cérébrales interdit provisoirement le recours à l’écrit. Ces obstacles sont alors directement liés à la maladie ou à l’accident. 

Mais il faut également souligner les conséquences d’une scolarité décousue, parfois chaotique, entraînant des lacunes importantes dans la maîtrise de la langue écrite.  On peut pourtant constater que les apprentissages sont possibles dès lors qu’ils se font via l’oral. Il en va de même pour l’évaluation. Elle s’avère souvent plus productive et représentative des capacités réelles de l’élève que celle effectuée classiquement à l’écrit.

Enfin il est fréquent à cet égard que l’oralisation des productions écrites soit une voie opportune pour lever des blocages, des appréhensions fréquentes consécutives à des expériences d’échecs antérieurs.

 

Des exemples pour entraîner l’élève malade aux évaluations via l’oral

Apprendre à retravailler des enregistrements vocaux et audio (téléphones, enregistreur, micro, vidéos…) pour s’entraîner aux prestations orales

Une piste pédagogique adaptée aux besoins des élèves malades consiste, en ce sens, à systématiser pour l’élève malade et les autres élèves de la classe des activités développant des compétences spécifiques de l’oral. Dans une optique d’apprentissage mais aussi de familiarisation avec des modalités d’évaluation fondées sur la pratique de l’oral, un travail organisé à partir des enregistrements vocaux (voire audio) peut s’avérer profitable car il est moins coûteux sur le plan cognitif qu’un travail écrit.  Le discours oral enregistré non seulement laisse des traces objectives mais il constitue aussi un matériau scolaire qui peut être retravaillé comme un brouillon. Il peut être amélioré, modifié.  Des fonctions (comme celle du dictaphone) sur un smartphone permettent de réécouter son message et de le transformer. A la manière des enregistrements de messages téléphoniques, on peut retravailler la syntaxe, la diction, le vocabulaire de son discours. 

Il est judicieux d’intégrer ce type de travail et d’entraînement sous forme ludique et dans le cadre de pratiques sociales courantes. On peut proposer par exemple l’enregistrement d’un message privé sur un répondeur, d’une annonce publique (type SNCF), l’enregistrement de vidéos journalistiques comme la présentation d’informations météo, des journaux télévisés ou radiophoniques, ou encore la présentation d’un jeu télévisé. Ces activités, courtes et motivantes, peuvent s’inscrire dans un projet pédagogique plus large et sont adaptées du point de vue de la temporalité (durée, fréquence) à la fatigabilité des élèves, à la fluctuation de leur disponibilité pour les apprentissages et à leurs absences possibles. 

C’est ce type d’entraînement qui facilite ensuite la pratique d’évaluations conduites via l’oral.

Évaluer l’écrit via l’oral : dicter à l’adulte et travailler avec un secrétaire 

De nombreux élèves malades bénéficient d’aménagements lors des examens, parfois au titre de la compensation du handicap dans le cadre d’un PPS. Les épreuves écrites peuvent être passées avec l’aide d’un secrétaire. Il est à noter que cette modalité doit être anticipée sur le plan administratif (voir fiche Examens : aménagements) comme pédagogique. Il est en effet nécessaire d’entraîner l’élève à cette collaboration. Cet entraînement peut se faire dans le cadre scolaire ordinaire de la classe ou en Unité d’Enseignement avec des élèves d’un niveau inférieur ou avec l’AESH, voire d’un enseignant. On peut aussi associer les parents ou des membres de la famille à cet entraînement dans le cadre privé.

De même que les petits vont devoir apprendre à pratiquer la dictée à l’adulte en maternelle pour construire le discours écrit, certains élèves malades plus âgés vont devoir apprendre à avoir recours à une tierce personne pour produire du discours.

Contrairement à ce que l’on peut supposer, composer à l’écrit à l’aide d’un secrétaire ne consiste pas seulement à savoir se faire comprendre lorsqu’on dicte son message, à la manière d’un patron dictant une lettre à son secrétaire via un dictaphone ou en direct. Il s’agit parfois de mettre en phrases quelques mots écrits, parfois de passer directement à l’écrit oralisé. Dans ce dernier cas, il faut apprendre à l’élève à « se relire » et considérer comme un brouillon sa première oralisation de l’écrit. Cela suppose que le secrétaire puisse relire, s’arrêter régulièrement, solliciter l’assentiment ou prendre en compte les modifications sans pour autant se substituer à l’élève ni induire ses corrections. C’est un exercice délicat aussi bien pour l’élève que pour son binôme secrétaire. En ce sens, il est souhaitable que l’enseignant puisse superviser certaines de ces mises en situation. Il peut, en outre, concevoir ce genre d’exercices à l’échelle d’un groupe classe en constituant des binômes qui pourront s’auto évaluer en échangeant les rôles. Ces pratiques régulières sont un très bon moyen d’améliorer les compétences orales et écrites de chacun.

Organiser cet entraînement est fondamental pour que l’évaluation soit possible : il faut prévoir régulièrement dans les situations de classe de petits moments de ce type. La réflexion sur les aléas de la communication et les pièges de la langue se trouve, dans ce contexte, naturellement engagée.

Apprendre à utiliser les logiciels de dictée 

De nombreuses fonctions sur les smartphones, des applications ou logiciels permettent des dictées vocales qui vont faciliter la transformation directe du message oral en message écrit. Dans ce cas l’élève peut s’entraîner sans aide humaine.  

Pour des élèves ne pouvant pas écrire et dont la frappe au clavier est lente, les logiciels de dictée vocale permettent la rédaction de textes, la réalisation des devoirs et les évaluations individuelles « à l’écrit ». Avec ce type d’outils, on réduit encore la dépense d’énergie liée à la recherche d’écriture, d’orthographe, au profit d’une concentration sur le contenu du texte ou des énoncés. De plus, la lecture et la correction des travaux scolaires sont facilitées pour l’enseignant.

  Il faut préciser que l’utilisation par un élève malade de tels applications ou logiciels dans le cadre d’activités en classe entière peut être compliquée en raison du niveau sonore occasionné par la dictée.  Il est conseillé de réserver pour les élèves concernés un local extérieur à la classe pour la réalisation de certains exercices longs comme la rédaction. Cet aménagement s’avère bien sûr nécessaire lors des contrôles avec parfois l’accompagnement de l’AESH ou d’un assistant d’éducation. 

 Il reste par ailleurs important de prendre préalablement le temps de bien ajuster la voix et l’articulation avec les fonctionnalités du logiciel choisi.  L’utilisation de ce type d’outils gagne à être mise en place avec l’ensemble de l’équipe éducative (élève, parents, enseignants, AESH). Dans certains cas, l’intervention des professionnels du soin (ergothérapeute, psychomotricien, orthophoniste…) accompagnant le jeune peut être très utile.

 

Récapitulatif des éléments principaux

  • La construction et le développement des compétences à l’oral des élèves constituent un axe essentiel des apprentissages. 
  • Les enjeux de cet enseignement sont d’autant plus importants pour les élèves malades que les conséquences de leurs troubles et les conditions de scolarisation qu’ils engendrent font obstacle aux performances à l’écrit.
  • L’enseignement de l’oral doit être privilégié et parallèlement l’évaluation de l’oral et via l’oral doit faire l’objet d’une attention particulière.
  • L’apprentissage et l’évaluation scolaire via l’oral s’apprennent : il est nécessaire de les faire entrer dans les pratiques de classe ordinaires, pour les élèves malades et leurs camarades au moyen d’un entraînement régulier à la dictée à l’adulte ou à un pair.
  • Des outils techniques courants comme les enregistrements ou les logiciels de dictée vocale sont autant de moyens de rendre l’élève autonome pour travailler, construire et améliorer ses productions orales mais aussi ses écrits. 

 

Le Plan d’Accompagnement Personnalisé

Circulaire n° 2015-016 du 22 janvier 2015 (BOEN n°5 du 29-01-2015)

Annuaire MDPH

Circulaire n° 2015-129 du 21-8-2015 : Unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis), dispositifs pour la scolarisation des élèves en situation de handicap dans le premier et le second degrés.

Création et organisation d'unités d'enseignement dans les établissements et services médico-sociaux ou de santé : arrêté du 2-4-2009 - J.O. du 8-4-2009

Circulaire n° 2017-084 du 3-5-2017 : Missions et activités des personnels chargés de l'accompagnement des élèves en situation de handicap.

ORNA : L'Observatoire national des ressources numériques adaptées recense des ressources numériques utilisables par des professeurs non spécialisés confrontés à la scolarisation d'élèves en situation de handicap (logiciels, applications tablettes, matériels, sites internet, cédéroms, DVD-Rom, bibliothèques numériques.

Voici quelques exemples de logiciels pour s’entrainer à la dictée ou constituer des livres numériques alliant images/textes et enregistrements sonores : Didapages, Book creator, Audacity, HarddiskOgg

Vivre avec une maladie rare : aides et prestations pour les personnes atteintes de maladies rares et leurs proches (aidants familiaux/proches aidants) : Ce Cahier Orphanet est un document qui a pour objectif d’informer les malades atteints de maladies rares ainsi que leurs proches de leurs droits et de les guider dans le système de soins.

Guide pour scolariser les élèves en situation de handicap. Guide élaboré par le Ministère de l'Éducation nationale

D'autres informations peuvent être obtenues par le n° Azur de la ligne « Aide Handicap Ecole » au 08 10 55 55 00.

Loi du 11 février 2005 sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées

(voir en particulier l'Article 19)

Enquête et partage